Par Jean-Marc Siegel
Publié le 18 juin 2012
On sait peu de chose des origines de Matthias Ringmann. Né vers 1482 à Eichhoffen (Alsace), il fut un temps maître d’école. On l’a dit poète.
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Page de titre
Cosmographiae Introductio […] - Matthias Ringmann, 1507
Coll. Bibliothèque humaniste de Sélestat (K 1181)
C’est vers 1503 que Matthias fait son voyage d’Italie. C’est sans doute là qu’il dut en apprendre assez sur les récentes grandes découvertes pour en faire, pour un temps, l’objet principal de son investissement intellectuel. Il en vint à croire que c’est Amerigo Vespucci qui avait découvert ces nouveaux mondes, lors de ses voyages transatlantiques, plutôt que Christophe Colomb.
À vrai dire, Colomb ne démordit jamais de sa conviction que sa découverte avait été celle d’une autre route vers les Indes, l’Extrême Orient, et non celle d’un continent nouveau.
À son retour, Ringmann s’établit à Saint-dié des Vosges, où le directeur du Gymnasium Vosagense, Walter/Vautrin Ludd, le convainquit de s’associer à un projet qui lui tenait à cœur, la réédition de la Géographie de Ptolémée, qui intégrerait les récentes grandes découvertes. Un petit groupe d’érudits se forma et se mit au travail.
On y trouvait, outre Ludd et Ringmann, son ami le cartographe Waldseemüller, le neveu de Walter Ludd Nicolas et le latiniste Jean Basin. Le résultat de cette collaboration est une œuvre qui fit date dans l’histoire de la cartographie.
Première mention du nom « Amérique »
Cosmographiae Introductio […] - Matthias Ringmann, 1507
Coll. Bibliothèque humaniste de Sélestat (K 1181)
C’est en 1507 que ce petit groupe fait paraître la Cosmographiae Introductio, un petit livre explicatif qui complète la magnifique mappemonde Universalis Cosmographia dessinée par Waldseemüller. C’est sur cette dernière que le nom America apparaît pour la première fois. Ce nom inédit est également mentionné, et commenté, dans l’Introductio.
On ne sait exactement qui, des membres du groupe, a rédigé le texte de l’Introductio et le débat entre spécialistes continue à ce jour. Certains y voient une œuvre collégiale, d’autres perçoivent le style et des références à l’Italie qui permettraient de l’attribuer à Matthias Ringmann.
Première occurence de l' « America »
Carte Martin Waldseemüller, 1507
Coll. Library of Congress
Il n’en reste pas moins que cette œuvre majeure fait date dans l’histoire de la géographie et exprime de la manière la plus haute les vertus de l’esprit de la Renaissance : l’esprit d’entreprise et d’aventure, le goût de la nouveauté, une curiosité vive et partagée par toute une communauté d’érudits prêts à mettre leurs compétences en commun, l’envie de diffuser et de transmettre…
L’alliance des savants et des entrepreneurs produit ici un résultat éloquent, dont le processus du choix du nom de Amérique, qui rappelle l’invention d’une marque à succès, censée nommer mais aussi résonner.
L’Amérique échappa ainsi à ses auteurs, elle fit son chemin à travers les esprits après l’élan initial de la publication de 1507, pour s’imposer dans toutes les langues et toutes les cultures.
Ringmann continua à travailler en commun avec Waldseemüller, corrigeant les textes accompagnant les éditions de la Géographie de Ptolémée parues à Rome et à Ulm. Pour cela, il s’inspira de manuscrits grecs empruntés en Italie, et Waldseemüller édita les cartes ptolémaïques en en ajoutant d’inédites. À partir de 1517 furent publiés ces véritables atlas, dont le succès ne se démentit pas et qui furent plusieurs fois réimprimés.
Si Ringmann est plus connu pour son œuvre géographique majeure, il n’en fut pas moins un Homme de la Renaissance complet, féru d’Antiquité : il traduisit les Commentaires de Jules César en langue allemande, ainsi que des Vies de Suétone et de Plutarque.
En 1509, il publia un jeu de cartes, Grammatica Figurata, présentant les règles de grammaire à destination des enfants.