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La société protestante

Par Damaris Muhlbach

Publié le 8 juin 2012

Les pasteurs et les fidèles Revenir au début du texte

Dans la société protestante du XVIe siècle, les pasteurs connaissent une situation intermédiaire car, s’ils sont dans l’ensemble mieux considérés que les moines, on leur accorde moins d’importance qu’aux chanoines. Ce ne sont d’ailleurs plus des hommes du sacré, mais des hommes de culture, spécialistes de l’Église.

Catherine Zell à Rabus (1557)

Salut cher sieur Ludwig ceci est le résumé de la foi des défunts Martin Luther
Ulrich Zwinglin
Johan Oecolampadius
Mattheus Zell
Wolffgang Capito
Marthin Bucer
Caspar Hedio
Urbanus Regius
Paulus Frygio
Et de bien d’autres hommes pieux
Qui aujourd’hui reposent en Christ
Du même Johan Brentz
Caspar Schwenckfeldt
Et de nombreux chers hommes qui vivent encore
Elle a été prêchée et proclamée en écrits
Aussi parmi les Anabaptistes [ il y a ] beaucoup de gens pieux pleins de raison
Et des savants craignant Dieu
Qui de tout cœur cherchent et désirent Christ

Selon quelle permission / autorité ? et bonne conscience
doit alors une autorité suivre
Et votre tête
Envie et haine
De chasser des gens
Qui croient en Christ le fils de Dieu
Et ne font de mal à personne

Quand même il en serait de faibles, manquant de jugement ou aussi de méchants parmi eux
Mon Dieu ! vous considérant vous-mêmes
Comment voudrais-je trouver une si grande foule de méchants parmi nous
Ayons donc pitié d’eux
Comme nous avons pour nous-mêmes

Ah ! si on excluait aussi de vos églises pour de grandes affaires
Comme vous le leur faites
Pour de petites affaires
Vous auriez bientôt une plus petite église [...]

ZELL Catherine. In VALENTIN Jean et LEBEAU Jean-Marie. L’Alsace au siècle de la Réforme (1481-1621).
Textes et documents.
Nancy : Presses Universitaires de Nancy, 1985.
Traduction Jean-Michel Walter - CRDP d'Alsace, 2011, p. 155.

Catherine Zell, veuve du prédicateur de la cathédrale, réagit dans ce texte à la pression grandissante dont les dissidents sont l’objet. Elle prend ici la défense de Schwenkfeld, avec qui elle correspondait régulièrement, et des anabaptistes. En 1557, elle publie l’échange épistolaire violent qu’elle a eu avec Rabus, tenant de l’orthodoxie.

Les maîtres et les élèves Revenir au début du texte

Dans le domaine scolaire, si on considère que 1/20e de la population strasbourgeoise est scolarisée au milieu du siècle, les élèves de la ville le sont d’abord dans l’enseignement primaire (400 à 500 dans les écoles de la ville, quelques dizaines dans les écoles primaires). Quant à la Haute École, elle recrute aussi parmi les enfants des habitants de la cité, en particulier des élites, mais également dans différents pays européens.

Cette distribution géographique se retrouve dans une certaine mesure chez les maîtres : ceux qui enseignent dans les écoles primaires et classes latines sont souvent originaires de la région, alors que les professeurs sont régulièrement des savants étrangers du sud de l’Allemagne, de France ou d’Italie.

Les étapes de la vieRevenir au début du texte

Le baptême

Baptistère de l'église St-Thomas de Strasbourg

Baptistère de l'église St-Thomas de Strasbourg
Photo Rh-67, 2011

Dans la religion protestante, le baptême est l'un des deux sacrements.

La célébration est faite dans la langue du peuple. Elle débute par une allocution de l’officiant, suivie par une prière et une lecture l'Évangile de Marc (10, 13-16), puis d’une exhortation aux parents/parrains/marraines à élever l’enfant dans la foi, un engagement et la récitation du Symbole des apôtres.

Le baptême en lui-même vient ensuite, sous forme d’une triple infusion d’eau sur le front accompagnée de la formule traditionnelle. La cérémonie s’achève avec une prière, une formule d’envoi et une bénédiction.

Le baptême d'après Capiton

Et l’esprit de Dieu agit dans les élus, encore plus puissamment que dans les autres. Ce (pour)quoi (il a plu à Dieu de favoriser ? ) à favoriser a plu à Dieu le quotidien exercice de l’avertissement parmi les siens et que pour cela ils aient une société et union particulière entre eux, de même qu’ils soient comme un corps dans le Seigneur, ce qui alors est la vraie Eglise chrétienne. En elle nous sommes accueillis ensemble par le baptême, qui est un sacrement et une association extérieurs, avec Christ et les croyants, que nous mourions à la vieille vie, et dans la nouvelle croissions chaque jour, que donc doive agir le baptême de Christ, qui alors baptise par le feu et l’esprit saint.

Plus pour l’avènement de cette vie nouvelle le Seigneur a aussi voulu le souvenir de sa mort pour nous soufferte, que nous venions à cette vie, et en elle bravement continuions, souvent en nous rafraîchi et pour cela.

CAPITON. In VALENTIN Jean et LEBEAU Jean-Marie. L’Alsace au siècle de la Réforme (1481-1621).
Textes et documents.
Nancy : Presses Universitaires de Nancy, 1985.
Traduction Jean-Michel Walter - CRDP d'Alsace, 2011, p. 136.

Le catéchisme

Si l’enseignement religieux se fait d’abord à la maison, il se déploie surtout dans les écoles. L’objectif est de former les fidèles en leur expliquant la foi chrétienne et en les faisant participer aux rites. C’est pour cette raison que les réformateurs rédigent des catéchismes, comme par exemple Capiton en 1527, mais aussi Brunfels, Bucer et Zell. Cependant, c’est le petit catéchisme de Luther qui finira par s’imposer dans le seconde moitié du siècle.

Le catéchisme au XVIe siècle

Le catéchisme
Signifie une présentation orale
Dans laquelle les principaux et plus nécessaires éléments de la juste Religion Chrétienne sont exposés
Et autrefois
Comme il se passait [dans] l’Église Chrétienne des Anciens
Ainsi selon leur temps et leur raison
À la fois chez les juifs et chez les païens rassemblés
le catéchisme était tenu avant le baptême

Par la suite en notre temps
les enfants en communauté
Comme ils ne sont pas encore capables de rendre compte oralement
Sont baptisés dans leur enfance
Donc le catéchisme
Comme enseignement des articles principaux de la juste et véritable foi chrétienne
Doit être tenu à ceux qui viennent selon leur âge et raison
A grand’peine
Avec les enfants
Dès que ceux-ci de même peuvent en être capables selon leur âge et raison

In VALENTIN Jean et LEBEAU Jean-Marie. L’Alsace au siècle de la Réforme (1481-1621).
Textes et documents.
Nancy : Presses Universitaires de Nancy, 1985.
Source : KirchenOrdnung/Wie es mit der Lehre Göttliches Worts/und den Ceremonien.
Strassburg : Jost Martin / Anno M.D.XCVIII.
Traduction Jean-Michel Walter - CRDP d'Alsace, 2011, p. 148.

Bucer introduit la confirmation en fixant son sens, vers 1540.

La confirmation selon Bucer

Dans le quid de baptismate infantium, datant de 1533 et un an plus tard, dans le Bericht ausz der heiligen geschrift, Bucer explique le sens et le rôle de la confirmation.

  • Le sens :

L’opposition anabaptiste, implicitement reconnue comme valable, que le baptême des enfants déprécierait le baptême, par manque d’engagement personnel, était dorénavant écartée, par une confirmation renouvelée et appuyée par l’imposition des mains, telle que le Christ l’avait déjà pratiquée envers les enfants : baptême et confirmation avaient, dès lors, même origine (le Christ) et même signification sacramentelle. Ils formaient un tout, le baptême gardant sa pleine suffisance et la confirmation devenant la prise de conscience personnelle.

  • Le rôle :

Mais cet acte sacramentel était encore plus que cela : il devait confirmer la fonction ecclésiologique du baptême, l’introduction à la communauté ecclésiale.

Et dans les Ordonnances de Hesse, en 1539, il explique la forme que prend la cérémonie.

  • La forme de la cérémonie :

Le rappel du baptême, l’examen les fondamentaux (…) de la doctrine chrétienne et la profession d’engagement dans l’Église du côté des confirmands ; la prière d’intercession, l’imposition des mains et l’admission à la communauté eucharistique, du côté de la communauté.

In HAMMAN Gottfried. Entre la secte et la cité, le projet d’Église du Réformateur Martin Bucer.
Genève : Éd. Labor et Fides, 1984, p. 299 et 301.

La Cène

La Cène est le second sacrement dans l’Eglise protestante. C’est pourquoi la première communion joue un rôle fondamental, et dès 1534, elle est précédée d’un examen des connaissances religieuses des enfants.

Le mariage

Si dans la mentalité populaire, c’est la cérémonie qui fait le mariage, pour les théologiens protestants, c’est l’engagement mutuel qui fait le mariage. C’est pourquoi pendant la cérémonie on fait la lecture de un ou plusieurs textes montrant que le mariage est de l’ordre de la création (qu’il n’est donc pas considéré comme un sacrement). Suit une exhortation à partir d’un passage biblique, l’échange des consentements et la bénédiction.

Sous l’influence des réformateurs, le Magistrat va d’ailleurs publier plusieurs ordonnances sur le mariage.

Ordonnance de 1565

Le mariage des mineurs :

Il est arrivé quelquefois que des enfants, fils ou filles, encore mineurs et sous la puissance de leurs pères, mères et parents, ou, à leur place, de leurs tuteurs jurés désignés, se soient mariés à leur insu et sans leur consentement… Notre ferme volonté et avis est qu’aucun enfant, fils ou fille, qui est encore sous la puissance des père et mère, ou à leur place, de son tuteur juré … ne contracte ou ne promette une union à leur insu et contre leur gré. Au cas ou cela serait arrivé et que la plainte aurait été portée devant nos juges matrimoniaux désignés, de pareilles unions devront être reconnues sans force ni obligations comme contraires à l’ordre, à l’obéissance et à la volonté divine. De plus, les parties seront punies selon leurs personnes et les circonstances de l’affaire.

Divorce et secondes noces :

Attendu que le mariage exige une grande constance de deux personnes qui se marient au nom du Seigneur…Comme la plus grande union doit donc régner entre les époux, chacun devra bien considérer, avant que cela ne s’accomplisse, qui il prendra pour épouse, et, chacune, qui elle prendra pour mari et ne pas hâter en cela, mais agir après longue réflexion et avec un conseil suffisant. Et quand Dieu en a ainsi unis deux, aucun homme ne devra les séparer l’un de l’autre, si ce n’est pour cause d’adultère.

CRDP d’Alsace. L’Alsace du passé au présent : le XVIe siècle. Textes et témoignages.
Strasbourg : CRDP de Strasbourg, 1964, p. 35.
Trad. de WENDEL François. Le mariage à Strasbourg à l'époque de la Réforme. Strasbourg, 1928.

Les funérailles

Nous disons adieu aux morts et nous prions pour les vivants écrivent des Strasbourgeois en 1524 à Zwingli. Ceci montre le refus de la sacralisation de la mort. Pendant plusieurs années d’ailleurs, les prédicateurs n’assistent pas aux funérailles, les cérémonies ne gagnant en solennité qu’à partir du milieu du siècle.