Par Monique Klipfel
Publié le 1er octobre 2010
L’imprimerie est une découverte technique fondamentale, ce qui explique l’importance de la polémique sur son inventeur et le lieu où elle s’est effectuée.
Gutenberg dans son atelier
Grav. Ferdinand Reiber, 1877
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 675829)
La gravure ci-contre permet de saisir quelques-unes des étapes essentielles dans la conception et la mise en page des textes imprimés au tout début de l'imprimerie. La scène se passe dans un atelier, apparemment celui de Gutenberg lui-même.
À l’arrière plan se tiennent deux personnages. L'un d'eux trie des caractères en métal alors que l’autre les assemble à l’envers sur une matrice.
Celle-ci est ensuite encrée puis passée sous presse par les deux personnages figurant au premier plan.
L’avantage du procédé est d’éviter de graver des planches entières qui ne pourront servir qu’à un seul type d’ouvrage. L’écriture est plus nette et l’ensemble plus rapide et, surtout, moins onéreux.
Portrait de Jean Gutenberg
Grav. Nicolas Larmessin (de), v. 1650
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 685740)
Gutenberg a-t-il fait cette découverte lors de son passage à Strasbourg entre 1434 et 1444 ? L’aurait-il ensuite perfectionnée à Mayence ?
Johann Gensfleisch (v. 1394/1399-1468), qui prit le nom de la maison paternelle, est originaire d’une famille patricienne de Mayence qu’il doit quitter en raison de problèmes politiques.
Nous avons des traces de son passage à Strasbourg notamment grâce à un procès qu’il a intenté contre des bourgeois de la ville qui ont été ses pourvoyeurs de fonds.
Deux contrats ont été conclus. Le premier concernait la fabrication de miroirs, car Gutenberg était expert dans le travail des métaux et le polissage des pierres.
Le second pose beaucoup plus de problèmes. Dans les annales du procès et les dépositions des différents témoins, il est question d’achat de plomb, de vis et d’une presse. À la mort de l’un des signataires du contrat, Gutenberg ordonnera le démontage des pièces (Stücke). Or, nous sommes aux débuts de l’imprimerie et on craint d’ébruiter le secret d’une telle découverte - si découverte il y a.
En outre, le vocabulaire propre à cette invention n’est pas encore très clair. Il question de das zu trucken gehöret. Drücken désigne-t-il l’imprimerie comme l’usage s’en répandra plus tard (Buchdrücker) ou une simple impression à partir d’une presse ? Les épreuves de l’époque font cruellement défaut.
La bible de Gutenberg se compose de deux volumes en écriture gothique au format in-folio (c'est-à-dire que chaque feuille n'a été pliée qu’une seule fois, ce qui permet d’imprimer des pages en grande dimension). Chaque page comporte quarante-deux lignes (d'où le nom donné de la Bible à quarante-deux lignes).
Le premier volume concerne l’Ancien Testament et le second le Nouveau Testament. Ils sont écrits en latin.
Au total, cent quatre-vingt livres ont été imprimés sur une période de trois ans, temps nécessaire à un moine copiste pour en réaliser un seul.
Gutenberg avait tenté d’imprimer les titres en rouge mais la tâche s’avéra trop difficile car elle obligeait l’imprimeur à faire plusieurs passages. Un emplacement fut donc réservé pour les lettrines et les enluminures. Un enlumineur était chargé par le propriétaire de les réaliser.
La Bible latine a-t-elle été éditée à Mayence en 1455 grâce aux travaux effectués à Strasbourg ?
Il est toujours impossible de répondre à la question...
Toujours est-il que cette découverte va se développer rapidement.
Entre 1460 et 1480, on recense une dizaine d’ateliers officiels à Strasbourg. Le premier imprimeur strabourgeois est Jean Mentelin (1410-1478), né à Sélestat.
On ignore de quelle manière il a maîtrisé la technique. Il aurait peut-être rencontré Gutenberg lors de son passage à Strasbourg. Sans soucis financiers, il établit son atelier rue de l’Épine et y édite une bible qui ressemble beaucoup à celle de Gutenberg. Remarquable commerçant, il contribuera à la réputation des imprimeries strabourgeoises.
La Bible de Mentelin, parue en 1460-1461 a été imprimée en latin et comporte pour sa part quarante-neuf lignes. La qualité de sa typographie lui valut rapidement une excellente réputation. Mais c’est en 1466 que Mentelin édita la première traduction pré-luthérienne en langue allemande de la Bible, la première imprimée en langue vernaculaire.
On retrouve de plus la trace de nombreux artisans strabourgeois en France et en Italie.