Par Monique Klipfel
Publié le 1er octobre 2010
La puissance de Strasbourg se mesure à la présence de ses enceintes, de certains de ses édifices (écurie, grenier à grains, hôtel de ville...), de son privilège de frapper monnaie et de disposer d'un sceau symbolisant son statut de ville libre.
Le bâti civil vers 1400
Carte J.-J. Schwien et A. Schneider
© Région Alsace - Service de l'Inventaire et du Patrimoine, s.d.
La ville s’est dotée d’une ceinture de fortifications qui ont évolué avec la croissance de la ville. À l’ellipse insulaire s’ajoutent, entre 1228 et 1340, les quartiers au delà des bras de l’Ill, avec Saint-Nicolas et la porte de l’Hôpital puis, entre 1374 et 1390, les faubourgs nord et nord-ouest (faubourg de Pierre, de Saverne et faubourg National ou Blanc). Enfin, entre 1387 et 1441 prend forme la Krutenau, avec Sainte-Madeleine.
Le système de défense consistait en un mur crénelé (composé de pieux de bois, de briques et de pierres) avec un chemin de ronde interrompu par de nombreuses tours dont certaines servaient de portes. Subsistent, à l’heure actuelle : les Ponts-Couverts -qui étaient bien couverts de galeries de bois à l’origine, les deux tours de la place de l’Hôpital, des restes de muraille du XIVe siècle et une ruelle du fossé des orphelins. Le reste de la muraille se situe dans cette ruelle dans la Krutenau.
À cette ceinture de fortifications s’ajoute une armée. Celle-ci est d’abord composée de bourgeois de la ville qui étaient tenus de s’équiper à leurs frais et d’entretenir des chevaux et de mercenaires. Les écuries figurent sur le plan, à proximité des Ponts-Couverts.
Enfin, il existait des infrastructures destinées à se prémunir en cas de siège. Ainsi en est-il du grenier d’abondance (appelé Grenier à grains sur le plan-Kornspeicher), qui déménagea en 1441 vers ce qui est aujourd’hui la place entre l’opéra et l’hôtel du préfet. Ce qui en subsiste sert aujourd'hui d’entrepôt à l’opéra. À ces réserves municipales, il faut ajouter celles que devaient détenir les bourgeois en fonction de leurs revenus.
Hôtel de ville (Die Pfalz)
Grav. Adolphe Seyboth, 1891
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 728029)
Le gouvernement de Strasbourg siège à la Pfalz.
C’est là que l’on trouve tous les responsables de la ville ainsi que de son administration. Celle-ci est lourde et complexe et le lieu va s’avérer rapidement trop petit.
Pendant plusieurs dizaines d’années, les Strasbourgeois se contentèrent de l’ancienne résidence de l’évêque qui aurait été située place du Marché-aux-cochons-de-lait et sur le terrain de la rue du Maroquin.
Nous avons peu de sources très précises mais le nouvel édifice fut construit en 1321 à l’emplacement de l’actuelle place Gutenberg. Grand bâtiment carré, il était flanqué de quatre tourelles octogones. Il comprenait plusieurs étages. Au rez-de-chaussée on pense qu’il devait y avoir des échoppes, des caves et des entrepôts. Au premier étage se trouvait la salle du Conseil à laquelle on accèdait par deux escaliers et qui était éclairée par un grand vitrail aux armes de la Ville. C’est sous ce vitrail que siège l’ameister. Rapidement trop exigu, on lui adjoignit une chancellerie qui communiquait avec la Pfalz par une passerelle.
On raconte que le bâtiment était muni de deux escaliers, l’un pour les Zorn, l’autre pour les Mullenheim, afin d’éviter tout affrontement entre les deux familles. Il a été détruit en 1785.
Le pouvoir strasbourgeois se fonde sur la constitution. Cette dernière connut plusieurs remaniements, afin d'éviter qu’un individu ou un groupe ne monopolise le pouvoir.
Au sommet se tient l’ameister, élu par les délégués des corporations pour une durée limitée.
Viennent ensuite quatre Stettmeister, dont le rôle est plus discret et qui sont souvent choisis parmi les patriciens.
Il y a également le Conseil qui va se spécialiser au fur et à mesure des années. Le conseil des XXI se répartit ainsi en deux chambres : les XIII (chargés notamment des questions diplomatiques) et les XV (chargés du respect de la constitution, contrôle des dirigeants, de l'administration).
Enfin, à la base se tiennent les personnes dotées du droit de bourgeoisie et appartenant à une corporation.
Strasbourg a donc un système oligarchique, bourgeois et corporatif.
Sceau de la ville de Strasbourg
Sceau , XIIIe siècle
© Archives de Strasbourg ()
Voir notamment la notice réalisée par les Archives de Strasbourg et détaillant les élements constitutifs du sceau de la ville.
Sur le sceau figurent les inscriptions suivantes : Sigillum burgensium (arg)entinensis.civitatis et, sur les voussures : virgo roga prol q pleb serv et urbem.
Il représente la vierge protectrice de la ville, auréolée, assise, tenant en dextre le sceptre fleurdelisé et soutenant sur son genou gauche l’enfant Jésus auréolé, les deux bras en position de bénédiction, la dextre ouverte et la sénestre portant la pomme céleste.
L’ensemble est placé sous trois voussures architecturales supportées par deux coloones : la partie architecturale accotant et surmontant les voussures, les deux tours d’enceinte de la ville et au centre un édifice religieux flanqué de deux tours.
D’après Charles Haudot, dossier CRDP Vivre en Alsace, 1983-1984.
Six kreutzer
Pièce de monnaie Strasbourg, fin XIVe-dbt XVe siècle
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 827444)
Le fait de frapper monnaie constitue un autre élément attestant de la liberté de Strasbourg et de sa souveraineté. Les premières pièces (pfennig) portent la fleur de lis, qui est le symbole de Strasbourg depuis le XIVe siècle (avant quoi figurait un ange).
La pièce de monnaie ci-contre représente six kreutzer de la ville de Strasbourg. Le type représente une fleurdelisée au droit, et un lis au revers.
Chacune des deux légendes circulaires est inscrite en écriture gothique et est entourée d'un double cercle perlé. Au centre se trouve une croix pattée, qui coupe la légende intérieure. Il est possible de lire : GLORIA (petite fleur) IN (petite fleur) EXCELSIS (petite fleur) DEO (petite fleur) ET (petite fleur) IN / TERR - A (petite fleur) PA - X (petite fleur) HOI - NIBZ puis GROSSVS (petite fleur de lis) ARGENTINENSIS.
Dès la fin du XIVe siècle, la monnaie strasbourgeoise est concurrencée par une monnaie d’or, le florin rhénan (gulden) et dépréciée par les faussaires. Devant ces menaces le conseil prit la décision de diminuer le poids de la pièce sans en modifier le titre. En même temps des mesures strictes furent prises pour éliminer les pièces fausses ou défectueuses.