- CRDP d'Alsace - Banque Numérique du Patrimoine Alsacien -

Le principe :
une organisation collective de la chasse

Par Laurence Grisey-Martinez, juriste à l'Institut du Droit Local

Publié le 30 mars 2012

L’article L. 429-2 du code de l’environnement pose en ces termes la règle centrale : le droit de chasse sur les terres et les espaces couverts d’eau est administré par la commune au nom et pour le compte des propriétaires fonciers.

L’obligation de mettre les chasses en locationRevenir au début du texte

Cette disposition consacre le principe d’une organisation collective de la chasse. Dans ce cadre, le droit de chasse reste un attribut de la propriété ; les propriétaires fonciers sont titulaires du droit de chasse mais ne peuvent l’exercer. Ils sont dessaisis de l’exercice de ce droit au profit de la commune, qui est chargée de mettre les chasses en location au nom de la collectivité des propriétaires. Pour autant, la commune ne dispose pas de l’exercice du droit de chasse à sa guise, elle n’intervient pas en tant que collectivité territoriale, titulaire de prérogatives de puissance publique, mais en tant que mandataire des propriétaires fonciers. Les actes qu’elle prend à ce titre sont en conséquence des actes de droit privé, et non des actes administratifs. Les prérogatives dont elle dispose s’exercent dans le cadre prévu par le code de l’environnement et le cahier des charges type.

Chevrette à Ingwiller

Chevrette à Ingwiller
Photo Pierre Kessler, 11/06/2011

Le 19 mars 1997, la Cour de cassation s’est prononcée sur la nature du mandat détenu par la commune. Elle a précisé qu’il s’agit d’un mandat légal qui confère à la commune, sauf cas de force majeure, l’obligation de procéder à l’adjudication de la chasse. La Cour note aussi le caractère fautif du défaut d’organisation des chasses, y compris si la commune a suivi en cela la volonté de la majorité des propriétaires. En d’autres termes même si la commune intervient au nom et pour le compte des propriétaires fonciers, ce mandat lui fait obligation d’organiser des adjudications, au besoin contre la volonté des propriétaires. La Cour a réfuté le moyen selon lequel les requérants ne pouvaient, sur le fondement légal du mandat, imposer à la commune de procéder à l’adjudication de la chasse, alors que tous les autres propriétaires concernés y sont opposés.

Le contentieux de la chasse était traditionnellement de droit public jusqu’à ce qu’intervienne l’arrêt Arquier, le 20 janvier 1986. Le Tribunal des conflits a alors tenu compte de la nature de droit privé des actes pris par la commune dans le cadre de la mise en location des chasses pour attribuer un bloc de compétence au profit des juridictions judiciaires. En la matière, seul le contentieux du cahier des charges reste de la compétence du juge administratif, il est soumis au contrôle du juge de l’excès de pouvoir.

Refus de certaines communes de mettre les chasses en locationRevenir au début du texte

Différents motifs ont été allégués par les communes pour refuser de mettre les chasses en location : elles ont notamment invoqué un projet de classement des terrains en réserve naturelle, le fait qu’aucune disposition de la loi ne leur fasse obligation de louer la chasse sur les terrains dont elles sont propriétaires, ou la réservation de l’exercice du droit de chasse sur leurs propriétés. À ce jour, tous ces motifs ont été rejetés par les tribunaux.

La sécurité est le moyen invoqué le plus fréquemment par les communes.

La forte fréquentation par le public des forêts périurbaines a poussé certaines grandes collectivités, notamment Strasbourg, à longtemps refuser leur mise en location, jugeant l’activité de chasse incompatible avec la sécurité des usagers de ces forêts, affectées aux loisirs et à la promenade.
La réponse apportée par la Cour d’appel de Colmar à ce moyen récurrent est traditionnelle : elle estime que la loi locale sur la chasse permet de sauvegarder l’intérêt public et la sécurité publique sur les terrains concernés par le biais du cahier des charges départemental complété par le cahier des charges communal. La Cour aurait pu également évoquer la possibilité pour les maires de faire usage de leur pouvoir général de police qui leur permet d’assurer notamment la sûreté et la sécurité dans les lieux publics.
Estimant que les pouvoirs de police dévolus au maire, de même que l’existence d’un cahier des charges communal étaient de nature à permettre l’élaboration d’une réglementation en rapport avec les particularités de la situation, le TGI de Metz a expressément rappelé cette possibilité à la commune qui refusait d’organiser la mise en location de la chasse communale en se fondant sur la forte densité de promeneurs.
Les dispositions du code général des collectivités territoriales relatives au pouvoir de police ont amené les maires à prendre des arrêtés qui touchent à l’exercice de la chasse. Comme pour toute mesure de police, le maire devra veiller à respecter le principe de proportionnalité entre l’interdiction et le risque encouru. Il ne peut pas prendre de mesure d’interdiction générale et absolue. Dans ce cadre, le Conseil d’État a pu admettre comme valable une interdiction de chasse dans un périmètre de 200 mètres autour des habitations.

La loi du 26 juillet 2000 relative à la chasse a introduit un article ainsi rédigé : Des règles garantissant la sécurité des chasseurs et des tiers dans le déroulement de toute action de chasse ou de destruction d’animaux nuisibles doivent être observées, particulièrement lorsqu’il est recouru au tir à balles.

Cette disposition a trouvé une expression concrète dans l’adoption des schémas départementaux de gestion cynégétiques, qui ont notamment imposé le port de gilets fluorescents pendant les opérations de chasse.

La combinaison des divers instruments juridiques, cahiers des charges départementaux et communaux, arrêtés de police, dispositions du code de l’environnement, schémas départementaux de gestion cynégétiques devrait garantir la sécurité publique, sans qu’il soit besoin de refuser la mise en location des chasses.

Dans un texte de circonstance, le législateur a tenté d’autoriser les communes à ne pas mettre les chasses en location. Destiné à régler le cas des forêts périurbaines de Strasbourg, l’article 63 de la loi du 9 juillet 2001 d’orientation sur la forêt a opéré un renvoi de l’article L. 429-7 du code de l’environnement à l’article L. 2541-12 du code général des collectivités territoriales.

Cet article a amendé l’article précité du code général des collectivités territoriales relatif aux compétences du conseil municipal, qui précise désormais que dans les communes appartenant à une agglomération de plus de 100 000 habitants, le conseil municipal délibère sur les conditions d’exercice du droit de chasse sur les terrains soumis à une forte fréquentation du public. Sur ce fondement, quelques communes ont décidé de ne pas mettre leur chasse en location. Ce refus a entraîné la saisine du juge, qui a dénié aux communes la possibilité de se fonder sur les dispositions de la loi de 2001 pour ne pas mettre leur chasse en location, jugeant que ce texte autorise la réglementation et non l’interdiction du droit de chasse, que la location du droit de chasse est compatible avec une telle réglementation des conditions d’exercice de ce droit et que la modification législative ne saurait constituer un obstacle à la location du droit de chasse. Cette solution n’est guère surprenante au regard des textes modifiés par le législateur. Si son intention était sans conteste celle d’autoriser certaines communes à ne pas mettre leur chasse en location, il a amendé l’article L. 429-7 relatif à l’exploitation du droit de chasse et non l’article L. 429-2 qui pose le principe de la communalisation des chasses et donne mandat à la commune de mettre la chasse en location.

La situation a évolué ces toutes dernières années. Plusieurs grandes communes, telles Metz et Strasbourg, qui longtemps l’avaient refusé, ont décidé de mettre les chasses en location. Les baux conclus, qui concernent des zones périurbaines soumises à une forte fréquentation du public, sont assortis de cahiers des charges très restrictifs. Strasbourg impose notamment le tir à l’arc, alors que Metz interdit la chasse certains jours de la semaine ainsi que dans certains lieux, interdit le tir à destination des habitations et pose certaines conditions quant aux modes de chasse.

L'opposition du propriétaire foncierRevenir au début du texte

Les articles L. 422-10 et L. 422-18 du code de l’environnement, issus de la loi du 26 juillet 2000 relative à la chasse, fixent les conditions dans lesquelles le propriétaire d’un terrain manifestant des convictions hostiles à la pratique de la chasse peut demander, en droit général, à ce que ses terrains soient soustraits du périmètre d’une association de chasse agréée. Cette possibilité n’est pas offerte aux propriétaires fonciers d’Alsace-Moselle, car les articles L. 422-10 et L. 422-18 ne sont pas, en vertu de l’article L. 429-1, applicables dans ces départements. Pour échapper à la communalisation des chasses, les propriétaires d’Alsace-Moselle, s’ils ne possèdent pas des surfaces suffisantes pour se réserver l’exercice du droit de chasse, n’ont d’autre alternative que de clôturer leur terrain.