Par Laurence Grisey-Martinez, juriste à l'Institut du Droit Local
Publié le 30 mars 2012
La durée des baux de chasse est fixée par la loi à 9 années. Les baux en cours, qui ont été conclus en 2006, expireront au 1er février 2015. À cette date seront signés de nouveaux baux qui s’achèveront en février 2024. Tous les 9 ans, les communes sont chargées de préparer les locations. Elles respectent pour cela les instructions contenues dans le code de l’environnement et dans le cahier des charges départemental des chasses communales arrêté par le préfet du département.
Retour à Droit local en Alsace
La procédure débute en préfecture par l’établissement du cahier des charges départemental des chasses communales.
Cet arrêté préfectoral fixe notamment les règles de gestion technique de la chasse, le rôle, la composition et les modalités de fonctionnement de la commission consultative communale ou intercommunale de chasse ainsi que les modalités de révision des baux à la demande du maire. Plus généralement, il détermine les conditions des locations des lots de chasse. L’idée d’une telle procédure, concertée et décentralisée, n’est pas exceptionnelle en droit local. Nous la retrouvons également en matière de repos dominical pour l’établissement des statuts locaux et en urbanisme pour la mise en place des règlements municipaux des constructions et d’une réglementation de l’affichage.
L’article L. 429-7 du code de l’environnement précise que la location a lieu conformément aux conditions d’un règlement, dénommé cahier des charges type, arrêté par le préfet, après consultation des organisations représentatives des communes, des chasseurs, des agriculteurs, et des propriétaires agricoles et forestiers.
Cette énumération recouvre l’ensemble des parties prenantes, mais, s’il le souhaite, le préfet peut procéder à d’autres consultations, entendre, s’il le désire, toute autre personne utile (pour ne donner qu’un exemple, l’Institut du Droit Local participe au groupe de travail du Bas-Rhin et est consulté pour les autres départements).
La consultation s’organise en pratique autour de séances de travail, à l’initiative du préfet et généralement dirigées par les services des directions départementales de l’agriculture et de la forêt (devenues directions départementales des territoires). Chacun des acteurs peut y présenter ses propositions, qui seront discutées.
Le code de l’environnement attribue clairement le pouvoir de décision au préfet. L’intervention des différentes organisations représentatives (des communes ou des chasseurs par exemple) n’est prévue qu’à titre consultatif. Le texte parle de consultation et non d’avis conforme. Le préfet n’est donc pas juridiquement tenu de reprendre les propositions émanant des diverses organisations (même si elles parviennent à un accord).
Une fois arrêté par le préfet, le cahier des charges type est repris au niveau communal. Le conseil municipal est alors compétent pour arrêter, dans le respect du cahier des charges type, un cahier des charges communal. La commune dispose dans ce cadre d’une autonomie limitée. Elle ne peut modifier les prescriptions du cahier des charges qui s’imposent à elle (relatives à la procédure de mise en location par exemple), mais peut préciser les évolutions futures des conditions de chasse dans la commune ou compléter les dispositions de police. Sur ce dernier point, elle ne pourra cependant édicter que des normes plus restrictives pour les libertés individuelles, toute aggravation devant être justifiée par les circonstances locales.
Le cahier des charges est généralement annexé au contrat de location signé entre la commune et le locataire du lot de chasse. Entre eux, sa nature devient alors contractuelle. Parallèlement, le cahier des charges type subsiste en qualité de règlement, tout au long des neuf années que dure le bail de chasse. Pendant cette longue période, le préfet peut être amené à le modifier, ce qu’il est en droit de faire à tout moment, en respectant la procédure de consultation préalable.
La procédure de mise en location se poursuit ensuite au sein de la commune.
Il appartient en premier lieu à la commune de consulter les propriétaires fonciers, afin de déterminer s’ils souhaitent conserver le produit des locations ou l’abandonner à la commune.
Le droit de chasse étant un attribut du droit de propriété, les loyers de chasse appartiennent aux propriétaires fonciers. Ils ont cependant la possibilité, à une double condition de majorité, de les abandonner à la commune, qui gère la chasse en leur nom. La décision devra être prise par au moins 2/3 des propriétaires fonciers représentant au moins 2/3 des surfaces. Dans le Bas-Rhin, 81 % des communes bénéficient du loyer des chasses. La commune utilisera alors ces sommes dans l’intérêt collectif des propriétaires fonciers ; elle pourra notamment l’affecter à l’entretien des chemins d’exploitation ou au paiement des cotisations à la caisse d’assurance accident agricole.
La commune est ensuite tenue de définir les lots de chasse. Elle peut en constituer plusieurs, dès lors que chacun d’entre eux atteint au moins 200 hectares. Des communes limitrophes peuvent s’associer pour constituer des lots intercommunaux afin d’utiliser au mieux les limites naturelles et d’obtenir des surfaces de chasse plus vastes.
L’ensemble du ban communal est pris en compte. Aux termes de la loi, sont seuls exclus du lot de chasse, les terrains militaires, les emprises de la SNCF et de Réseau ferré de France, les forêts domaniales, les forêts indivises entre l’État et d’autres propriétaires et les terrains entourés d’une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les propriétés voisines. En pratique, les communes excluent généralement les zones agglomérées.
Sont en outre distraites du lot de chasse les surfaces réservées par leur propriétaire dans les conditions définies ci-après.
Dans le souci de limiter les atteintes portées au droit de propriété par l’organisation collective de la chasse, il est permis au propriétaire de se réserver l’exercice du droit de chasse sur les terrains d’une contenance de 25 hectares au moins d’un seul tenant, sur les lacs et les étangs d’une superficie de 5 hectares au moins. Les propriétaires de terrains jugés suffisamment vastes pour une exploitation cohérente de la chasse peuvent donc s’y réserver l’exercice du droit de chasse. Ces terrains sont alors soustraits de la chasse communale.
Pour remplir la condition de contiguïté, la loi n’exige pas une configuration spéciale des terrains ; il suffit que le propriétaire puisse aller d’un bout à l’autre de son terrain sans empiéter sur le fonds d’autrui. Le fonds peut présenter des contours irréguliers, rendant même parfois la chasse difficile à certains endroits, sans que cette circonstance permette à la commune de refuser la constitution de la réserve. Les limites administratives, les chemins de fer, les cours d’eau et les voies de circulation –à l’exception des autoroutes – n’interrompent pas la continuité des fonds ; cependant, pour ces trois dernières catégories, la règle ne s’applique pas s’il existe des aménagements empêchant le passage du grand gibier.
La faculté de se réserver l’exercice du droit de chasse est accordée au propriétaire des terrains remplissant la condition de superficie. Le texte vise toute personne physique ou morale, de droit privé ou de droit public. Les communes qui possèdent sur leur propre territoire des fonds susceptibles de former des chasses réservées sont tenues de louer ces fonds avec la chasse communale. Elles ont en revanche la possibilité de se réserver l’exercice du droit de chasse sur les propriétés qu’elles possèdent sur le ban d’autres communes.
Le propriétaire qui souhaite se réserver l’exercice du droit de chasse sur son fonds doit en aviser le maire par une déclaration écrite dans les dix jours suivant la date de publication de la décision des propriétaires fonciers relative à l’affectation du produit des locations. La déclaration doit contenir les pièces qui permettront à la commune d’exercer son pouvoir de vérification.
La réserve est constituée pour la durée de location des baux de chasse communale, c’est-à-dire pour 9 ans. Lorsque, pendant cette durée, le propriétaire réservataire aliène une superficie supérieure à 25 h d’un seul tenant, la réservation du droit de chasse est également cédée à l’acquéreur car liée au droit de propriété. Si le vendeur ne conserve pas 25 hectares ou si la surface cédée n’atteint pas une telle superficie, la réserve disparaît sur ces surfaces inférieures au minimum requis. Les solutions sont identiques pour tout morcellement de la propriété, quelle qu’en soit la cause. Lorsque la réserve a pris fin, les terrains sont incorporés dans la chasse communale. Le locataire étendra sa location aux conditions de son bail sur les terrains dont la réserve est venue à cesser.
Les propriétaires réservataires sont tenus de verser, en cas d’abandon du produit des locations à la commune, une contribution proportionnelle à l’étendue des fonds qu’ils se sont réservés. Elle s’ajoute à leur contribution au fonds départemental d’indemnisation des dégâts de sangliers.
Le propriétaire réservataire a priorité pour louer le droit de chasse sur les terrains enclavés dans sa réserve. Les formes de la demande sont identiques à celles de la déclaration de réserve. Il devient alors locataire de la chasse communale sur ce terrain et verse en contrepartie à la commune une indemnité calculée proportionnellement au prix de location de la chasse sur le ban communal.
Le constat est fait à chaque nouveau bail d’une augmentation des surfaces réservées, provoquant dans certains secteurs un véritable mitage des chasses communales. La question du relèvement de la surface nécessaire pour la constitution d’une réserve a été maintes fois évoquée mais n’a jamais été suivie d’effets.
La quatrième étape est celle du choix des candidats à la location. Ce peuvent être des personnes physiques ou des personnes morales, associations ou sociétés de chasse.
Les cahiers des charges règlent les déclarations de candidature, imposant que figurent notamment au dossier les références cynégétiques du candidat (permis de chasser, passé cynégétique) et que ce dernier verse une caution couvrant en général une année de loyer et charges. Les candidats doivent également remplir des conditions de distance maximale entre leur domicile et le lot de chasse, un éloignement trop important étant jugé néfaste à l’entretien du lot de chasse. Sans doute l’objet de cette disposition est-il aussi de limiter l’accès des non-régionaux aux chasses communales et, en conséquence, de contenir l’augmentation du prix des baux. Les candidatures sont examinées et agréées par le conseil municipal après avis de la commission consultative de chasse. Les conditions devront perdurer tout au long de la durée du bail.
Tout changement dans la situation du locataire de chasse de nature à influer sur l’obtention de l’agrément sera signalé à la commune et pourra entraîner la résiliation du bail. De même, ces conditions seront exigées des candidats à la reprise d’un lot cédé en cours de bail.
Il revient en dernier lieu à la commune de décider du mode de mise en location. Pendant un siècle, l’adjudication a été l’unique mode de mise en location des chasses communales. Le législateur de l’époque considérait que la mise aux enchères, aux bougies, permettait à la fois de retirer de la chasse le plus gros revenu possible et de trouver un acquéreur sérieux, qui s’intéresse et s’attache à la chasse. Depuis 1996, la règle est assouplie.
Si l’adjudication publique reste le principe, il est désormais possible de louer les chasses par une convention de gré à gré ou par appel d’offres. En pratique, la grande majorité des lots sont loués par convention de gré à gré (dans le Bas-Rhin, 72 % des lots sont loués par gré à gré). La commune, qui peut par une telle convention renouveler le bail au profit du locataire en place depuis 3 ans au moins, dispose ainsi de la possibilité de traiter avec une personne qu’elle connaît, en qui elle place sa confiance et obtient au surplus un raccourcissement de la procédure de location. La procédure d’appel d’offres est plus rarement mise en œuvre (pour 6% des lots dans le Bas-Rhin). La commune peut l’utiliser uniquement lorsque le locataire en place n’a pas fait savoir qu’il entendait solliciter le renouvellement du bail à son profit (exercice du droit de priorité ou convention de gré à gré). Il est notamment recouru à cette procédure après des enchères restées infructueuses.
La procédure d’adjudication publique est définie par les cahiers des charges des chasses communales. Il s’agit d’une adjudication aux feux, où les enchères se font sur la base du loyer annuel. À l’extinction de la troisième bougie, le plus fort enchérisseur emporte l’enchère et devient locataire. Toutefois, s’il existait sur le lot concerné un locataire en place depuis 3 ans au moins, ce dernier bénéficie d’un droit de priorité de relocation qu’il peut alors faire valoir. Concrètement, il accepte le lot au loyer déterminé par la plus forte enchère.
La procédure de mise en location de la chasse communale se clôt par la signature du bail de chasse entre la commune et le locataire ainsi désigné, engageant les deux parties pour les 9 années à venir. Pendant cette période, divers événements peuvent affecter le bail de chasse. Sa consistance peut évoluer de telle façon que le prix du loyer devra être modifié ou qu’il faudra envisager une résiliation du bail, le locataire peut vouloir le céder, il peut ne pas en respecter les termes, ne pas payer le loyer, ou même décéder… Ces différentes hypothèses sont réglées par les cahiers des charges des chasses communales.
Le droit local ne comporte plus guère de règles originales en matière de police de la chasse. L’harmonisation avec le droit général a été sur ce point très large. En revanche, tout comme l’organisation des chasses, la question de l’indemnisation des dégâts de gibier relève du seul droit local.