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Le régime des eaux

Par Laurence Grisey-Martinez, juriste à l'Institut du Droit Local

Publié le 30 mars 2012

La loi du 1er juin 1924 portant introduction de la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle a maintenu en vigueur la législation relative aux cours d’eau navigables et flottables, à savoir les cours d’eau domaniaux. Cette mention vise notamment la loi locale du 2 juillet 1891 sur l’usage et la conservation des eaux ; elle abroge, a contrario, la réglementation locale relative aux cours d’eau ni navigables ni flottables.

Depuis la loi du 2 juillet 1891Revenir au début du texte

Le droit local distingue donc les cours d’eau non navigables ni flottables des cours d’eau navigables et flottables. Pour ces derniers, si la législation générale est applicable sur de nombreux aspects du fait de l’introduction du code civil et des principes de la domanialité publique, le maintien en vigueur de la loi locale du 2 juillet 1891 a pour conséquence l’application de diverses règles locales relatives notamment à l’usage et à la conservation des eaux, à son utilisation, aux chemins de halage, à la protection contre les crues.

Le Code général de la propriété des personnes publiques définit en son article L. 2124-19 les règles applicables en Alsace-Moselle au domaine public fluvial. Il exclut l’application des règles relatives à l’entretien des cours d’eau, aux servitudes de marchepied et de halage et à l’acquisition de l’ancien lit des cours d’eau domaniaux en cas de modification du lit de la rivière et réaffirme l’application de la loi locale du 2 juillet 1891. Ce texte donne des compétences très étendues à l’administration. Outre certaines compétences de police, il met à la charge de l’État l’entretien des cours d’eau navigables et flottables ainsi que des ouvrages privés dont l’exploitation bénéficie aux titulaires de droits d’eau et définit, avec différentes ordonnances d’application, la participation des riverains à l’entretien des cours d’eau.

Des cours d'eau spécifiquesRevenir au début du texte

Source phréatique

Source phréatique
Photo G. Lacoumette, s.d.

Ont également été maintenus en vigueur différents textes relatifs à des cours d’eau spécifiques, l’Ill navigable, le canal d’Erstein et le Krafft intérieur ou le Rhin Tortu. La matière a toutefois connu une évolution récente.

Un processus de transfert de la gestion du domaine public fluvial aux collectivités territoriales a été engagé. En Alsace, trois cours d’eau sont concernés.

Le transfert de la propriété du Canal de la Bruche et de ses dépendances de l’État au Conseil général du Bas-Rhin a été effectué par arrêté du Préfet du Bas-Rhin du 28 décembre 2007. La propriété du Rhin Tortu et de ses dépendances a été transférée à la Communauté Urbaine de Strasbourg et celle de l’Ill domaniale entre Colmar et Strasbourg et de ses dépendances à la Région Alsace par deux arrêtés préfectoraux en date du 28 décembre 2009.

Les arrêtés définissent les éléments transférés de l’État à la collectivité territoriale (cours d’eau, ouvrages, maisons éclusières) et prévoient la publication de ces informations au livre foncier. Corrélativement, et en application de l’article 104 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, un décret du 30 décembre 2010 a transféré à compter du 1er janvier 2011 à la Région Alsace, au département du Bas-Rhin et à la Communauté urbaine de Strasbourg les services de l’État qui participent à l’exercice des compétences dans le domaine des voies d’eau dont la propriété leur a été transférée en application des articles L. 3113-1 et L. 3113-3 du Code général de la propriété des personnes publiques.
Le décret du 30 décembre 2010 donne compétence au préfet pour préciser pour chacune des collectivités la liste des services concernés, le nombre d’emplois et l’état des charges.

Les associations syndicalesRevenir au début du texte

La législation générale sur les cours d’eau non navigables ni flottables a été introduite en Alsace-Moselle. Il subsiste toutefois une réglementation locale concernant les associations syndicales chargées des travaux à réaliser sur les cours d’eau. Les associations syndicales libres sont régies par l’ancienne loi française du 21 juin 1865. Les associations syndicales forcées, chargées de l’entretien et de l’aménagement des cours d’eau non domaniaux, baptisées syndicats fluviaux, sont régies par la loi locale du 2 juillet 1891 sur l’usage et la conservation des eaux. Cette loi avait pour objet de protéger la population locale et les biens des cours d’eau potentiellement dangereux par leur importance ou leur débit. Institués par ordonnances du Statthalter aux fins d’entretien, de curage ou de travaux d’endiguement, ces syndicats fluviaux réunissaient obligatoirement les propriétaires concernés. Les ordonnances visaient les statuts, qui réglaient la composition et les modalités de fonctionnement des syndicats fluviaux. Elles précisaient en outre la répartition des dépenses entre propriétaires et le degré d’intervention et de contrôle de l’administration sur les affaires du syndicat.

Ces dernières décennies, les syndicats fluviaux ont disparu les uns après les autres. Leurs compétences ont été reprises par divers établissements publics de coopération intercommunale, avec pour le Haut-Rhin une forte implication du département. Certains subsistent cependant.

Le syndicat fluvial du Zornried

Le syndicat fluvial du Zornried
Carte CG Bas-Rhin, 2011

Nous citerons en particulier, dans le Bas-Rhin, l’Association syndicale fluviale du Zornried, syndicat fluvial très actif, dont l’objet est l’entretien des cours d’eau situés dans le bassin aval de la Zorn et du Landgraben au moyen notamment de travaux d’aménagement, de régulation, d’endiguement et de construction d’ouvrages destinés à favoriser le drainage et maîtriser les risques d’inondations.

Ce syndicat fluvial est régi par une ordonnance d’application de la loi du 2 juillet 1891, l’ordonnance du 6 octobre 1892 relative à la création du Syndicat fluvial du Zornried, qui définit notamment l’objet du syndicat fluvial, délimite son périmètre et fixe la base de répartition des dépenses.