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Gestion du patrimoine forestier des communes

Par Laurence Grisey-Martinez, juriste à l'Institut du Droit Local

Publié le 30 mars 2012

En Alsace, la forêt est présente partout : dans les zones de montagne, en plaine et même aux abords des villes, comme par exemple en périphérie de Strasbourg ou de Sélestat. 80% des forêts alsaciennes sont publiques et les 2/3 appartiennent aux collectivités territoriales, notamment aux communes. Les communes sont donc d’importants propriétaires forestiers.

La législation en vigueurRevenir au début du texte

Froschkopf

Froschkopf
Photo Pierre Kessler, 2009

Les dispositions locales applicables aux communes en matière de gestion de leur patrimoine forestier sont contenues pour l’essentiel dans l’instruction ministérielle du 25 octobre 1894 sur l’administration et l’exploitation des forêts des communes et des établissements publics. Cette instruction a été maintenue par le décret du 7 mars 1925 remettant en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle les dispositions du code forestier. L’instruction de 1894 est accompagnée d’une annexe, republiée en 1929 sous le titre Règlement des bûcherons.

À ces dispositions particulières s’ajoutent le code Forestier, applicable intégralement dans les trois départements ainsi que l’ensemble des principes dégagés par la jurisprudence en matière de droit forestier.

L'exploitation des forêts communales Revenir au début du texte

Tronconneuse sur une souche d'arbre

Tronconneuse sur une souche d'arbre
Photo Adrian Pingstone, 2004

Conformément à l’instruction du 25 octobre 1894, l’exploitation des forêts communales se fait sous la forme de vente de bois abattu et façonné, par adjudication publique ou par gré à gré.

Le conseil municipal détermine si l’abattage et le façonnage des bois seront effectués directement en régie ou confiés à une entreprise privée. Dans ce dernier cas, le conseil municipal peut décider de traiter de gré à gré avec l’entrepreneur ou de procéder par adjudication publique ; l’adjudication publique est organisée à la diligence du maire et en présence de l’officier de l’Office National des Forêts (ONF). Si la décision de confier les travaux à une entreprise privée n’est pas rare, le choix des communes se porte majoritairement sur la régie. Les travaux sont dans ce cas dirigés par l’officier de l’ONF, qui est chargé de recruter les bucherons et de convenir avec eux des salaires à payer pour chaque coupe dans une limite maximale fixée par le conseil municipal. Des équipes de bûcherons peuvent être constituées, chaque équipe procédant à l’élection d’un chef bûcheron.

Bûcherons et ouvriers forestiers Revenir au début du texte

Loosthal

Loosthal
Photo Pierre Kessler, 2006

Bien que gérés par l’ONF, les bûcherons et ouvriers forestiers sont payés par les communes qui sont leurs véritables employeurs. De nombreux bûcherons disposent de contrats de travail multi-employeurs, leurs contrats sont généralement à durée indéterminée, à temps plein et signés par plusieurs communes.

Un mouvement de protestation des bûcherons s’était élevé, à la fin des années 1990, contre une modification de leur statut juridique issue d’un arrêt de la Cour de cassation du 28 avril 1998, qui les qualifiait d’agents de droit public, rompant avec le statut de droit privé qui leur était reconnu jusqu’alors. Cette jurisprudence était critiquée tant par les bûcherons que par leurs employeurs ; elle affectait notamment leur rémunération, leur couverture sociale, la prévention des accidents du travail et ne répondait pas aux besoins des communes employeurs qui y ont vu une remise en cause des régies forestières de droit local.

À l’initiative des parlementaires locaux, une loi a rétabli la situation de droit antérieur, qualifiant de salariés agricoles dont les contrats de travail relèvent du code du travail, les bûcherons et les ouvriers recrutés par les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les établissements publics et groupements chargés des forêts soumises au régime forestier pour être affectés aux travaux forestiers dans les forêts de ces communes et établissements.

Les ouvriers forestiers bénéficient en Alsace-Moselle de certains avantages sociaux. Dans ces départements, les maisons forestières sont gracieusement mises à disposition des agents de l’ONF. Affectées au logement des préposés des eaux et forêts, les maisons forestières communales ne peuvent être enlevées à cette destination que d’accord entre les propriétaires et l’administration forestière ou, en cas de désaccord, suivant la procédure de distraction du régime forestier. Les dépenses d’entretien de ces maisons sont réparties annuellement par l’administration forestière entre les propriétaires des forêts comprises dans la circonscription du titulaire du poste et proportionnées à l’étendue des forêts. Les agents chargés de l’entretien et de la gestion des forêts communales bénéficient en outre de dotations en bois de chauffage librement consenties par les communes. Un jugement du Tribunal administratif de Strasbourg précise que l’ONF doit assurer l’égalité de traitement entre agents affectés aux forêts domaniales de l’Etat et indivises et agents chargés de l’entretien et de la gestion des forêts communales.

Les biens communauxRevenir au début du texte

Les biens communaux sont des biens du domaine privé communal, qui appartiennent aux communes, mais dont la jouissance est réservée aux habitants pris soit individuellement, soit par familles. À l’origine, ces biens étaient surtout constitués de terres boisées. La diminution des forêts conduisit au XIIIe siècle à l’adoption des premiers règlements sur la jouissance et l’usage de ces biens. À partir du XVIe siècle, les seigneurs voulurent se les approprier, prétendant qu’ils en étaient propriétaires et que ces biens découlaient de libéralités qu’ils avaient consenties. L’ordonnance de 1669 sur les eaux et forêts régla la question par le droit de triage, compromis qui autorisa les seigneurs à prélever le tiers des biens en vertu du principe nulle terre sans seigneur. Le triage fut aboli par différentes lois de l’époque révolutionnaire, les lois des 15 et 28 mars 1790 et des 28 et 14 septembre 1792, qui autorisèrent les communes à réintégrer dans leur patrimoine ceux des biens qu’elles pouvaient justifier avoir possédé à titre non précaire. Une loi du 10 juin 1793 attribua aux communes les terres vagues et vaines, les landes et les bois n’ayant pas fait d’appropriations particulières. Elle autorisa en outre les communes à partager leurs biens entre les habitants. Engendrant d’importantes inégalités entre petites gens et gros propriétaires, le partage des biens communaux fut bientôt suspendu. Une interdiction de vente desdits biens fut également posée.

En Alsace-Moselle, cette réglementation fut modifiée par la loi municipale locale du 6 juin 1895, qui abrogea le décret du 9 brumaire an XIII relatif au mode de jouissance des biens communaux. Elle est codifiée aux articles L. 2544-10 et suivants du Code Général des Collectivités Territoriales. L’article L. 2544-10 attribue compétence au conseil municipal pour régler le mode d’administration des biens communaux, sous réserve des forêts communales soumises au régime forestier et de l’interdiction de partage des biens communaux. Le conseil municipal doit veiller à respecter une égalité des droits entre les habitants de la commune. La jouissance des biens est concédée à titre révocable et en sont notamment exclues les personnes qui, au début de l’année où les produits sont distribués, ne possèdent pas dans la commune depuis au moins trois ans un ménage propre avec feu séparé.