Par Christelle Strub
Publié le 1er octobre 2010
Une roseraie est un jardin d'agrément destiné à la culture des roses. [Elle] peut être un conservatoire de variétés anciennes et un lieu d'expérimentation d'espèces nouvelles (M.-H. Bénetière, Jardin, vocabulaire typologique et technique, Paris, Monum, Éditions du Patrimoine, 2006, p. 46).
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Avant le XIXe siècle et l’entrée en force de la fleur dans les jardins, les roses poussaient naturellement sous forme de buissons dans les jardins ou dans des roseraies en espaliers. Dans l’Antiquité, la rose était consacrée à Vénus, avant de faire partie du vocabulaire symbolique chrétien : la Vierge Marie est définie comme une rose sans épines, d'après la tradition selon laquelle avant la chute de l’homme, les roses ne possédaient pas d’épines.
Une véritable passion pour les roses se développa à partir du XIXe siècle. De nombreuses publications et périodiques étaient alors consacrés à cette fleur, du reste de plus en plus présente dans les jardins européens.
Parmi les roseraies célèbres, nous pouvons en retenir deux, créées dans le département du Val-de-Marne : la roseraie, aujourd’hui disparue, imaginée par l’impératrice Joséphine dans sa propriété de la Malmaison, et celle de l’Haÿ-les-Roses. Cette dernière est une roseraie aménagée par Jules Graveaux et le célèbre paysagiste français Édouard André, à la fin du XIXe siècle.
Au service de l’impératrice Joséphine à partir de 1798, le peintre belge Pierre-Joseph Redouté (1759-1840) fit de nombreux portraits de roses, qui furent utilisés dans le monde entier pour toutes sortes de décorations florales. L'illustration ci-contre en est un exemple.
En Alsace, le parc du château de Scharrachbergheim-Irmstett, les parcs publics Alfred Wallach à Riedisheim et de l’Orangerie à Strasbourg comportent chacun une roseraie, mais les deux plus grandes sont situées à Saverne et à Schiltigheim.
Roseraie de Saverne
Photo Louis Strohl, s.d.
Coll. Association Les Amis des Roses
La roseraie située route de Paris à Saverne est aménagée par la société des Amis des Roses créée en 1898 par l’obtenteur et rosiériste amateur Louis Walther. Un obtenteur est le créateur, par hasard ou par sélection volontaire, d’une variété nouvelle de plante.
Le jardin de la roseraie est agrandi en 1911 et, pour les vingt-cinq ans de sa création, est organisé le premier corso fleuri et concours international de roses nouvelles.
Roseraie de Saverne
Photo Louis Strohl, s.d.
Coll. Association Les Amis des Roses
L’ historique de la roseraie indique qu’à cette date elle comptait près de 2 000 membres. En 1937, Saverne est déclarée cité des roses.
Le plan de la roseraie, dessiné par le rosiériste allemand Peter Lambert, est constitué de parterres géométriques à la française. Ils sont rythmés par des bassins et des jets d’eau. Depuis 2004, l’entretien de la roseraie est confié à la ville de Saverne.
En complément, se reporter au site de la roseraie de Saverne et aux photographies qui en sont prises par un photographe professionnel.
Roseraie de Schiltigheim
Photo Jean-Paul Loewenberg, s.d.
Coll. La roseraie de Schiltigheim
Dans l’entre-deux-guerres, Schiltigheim est une ville ouvrière et industrielle. S'y concentrent notamment les brasseries du Pêcheur, de la Perle, Schützenberger, de l’Espérance, la conserverie Ugma, la malterie Ethel, les entreprises chimiques de peinture Socomat ou Rafinoil... L’industrialisation a été plus rapide que l’urbanisation et la question du logement populaire se pose de façon récurrente. En 1925, Schiltigheim compte 19 226 habitants : si elle est la deuxième ville du département, elle a cependant du mal à se démarquer de Strasbourg.
Le conseil municipal de Schiltigheim manifeste, durant l’entre-deux-guerres, un vif intérêt pour les jardins, en insistant sur leur vocation économique mais aussi sur leurs vertus moralisatrices et hygiénistes. Il suscite ainsi la création et subventionne deux associations : la société des Amis des Roses, en 1926, et celle des Amis du Jardin ouvrier, en 1929. La première, placée sous le patronage du maire socialiste Adolphe Sorgus (1884-1947), organise un concours des balcons fleuris soutenu par la ville et annonce, en 1930, compter 800 membres.
Elle est installée sur un terrain de trente ares au Krämersgarte, un ancien jardin privé racheté par la municipalité de Schiltigheim en 1918 pour y installer des organismes de bienfaisance. Ce projet n’ayant pas vu le jour, la roseraie est aménagée dans le bordure nord-ouest du parc. Le parc de la Roseraie a été le premier jardin public communal.
Roseraie de Schiltigheim
Photo Jean-Paul Loewenberg, s.d.
Coll. La roseraie de Schiltigheim
Des concerts et des repas champêtres ont eu lieu dans le parc de la roseraie jusqu'en 1964, à l'occasion de la fête annuelle de la rose. Les associations de Schiltigheim ont joué un rôle essentiel dans la vie culturelle et sportive jusque dans les années 1960. Le parc Kremer, devenu en 1959 le parc de la roseraie, est réaménagé par la commune en 1990.
La notice de la base Mérimée décrit ainsi la roseraie : jardin régulier de forme trapézoïdale, [elle est] protégée par une clôture en grillage, avec entrée principale donnant sur le parc de la roseraie. La roseraie comprend 150 carrés de fleurs, de formes géométriques diverses, et quelques parterres de gazon, séparés par des allées droites. Trois massifs en cercle dans la partie centrale sont desservis par des allées courbes, ainsi qu'un bassin au sud-ouest. Certains massifs sont délimités par des buis.
Un bâtiment de service maçonné, comprenant une salle de réunion pour les sociétaires, et une entrée de service séparée, est situé dans l'angle nord-ouest. Une rocaille et une cascade sont situées à proximité, ainsi qu'un bassin rectangulaire. Le jardin comprend également une pergola, une tonnelle, des arcades pour rosiers grimpants, un puits, deux colonnes et une fontaine figurative en fonte, au centre du bassin circulaire.
En complément, se reporter au site de la roseraie de Schiltigheim, notamment aux photographies qui y sont mises en ligne.
Roseraie du parc Alfred Wallach
Photo SIP
© Région Alsace - Service de l'Inventaire et du Patrimoine, s.d.
Alfred Wallach (1882-1961) est un industriel mulhousien. Il fonde, en 1907, les Établissements Alfred Wallach, qui sont spécialisés dans l’impression de tissus. Il a été député de Mulhouse de 1932 à 1939. En 1948, il crée, avec son épouse, la Fondation Alfred et Valentine Wallach, qui est destinée à aider les personnes âgées et à soutenir des projets de jeunes gens méritants. Il fait don, en 1950, du jardin du Waldeck sur les hauteurs du Rebberg, parc qui porte aujourd’hui son nom.
Le paysagiste du parc est un célèbre paysagiste français du début du XXe siècle, Achille Duchêne (1866-1947), fils de l’architecte paysagiste Henri Duchêne (1841-1902). Achille Duchêne a créé 6 800 jardins en France (abbaye de Royaumont, hôtel Matignon, château de la Verrerie au Creusot, Vaux-le-Vicomte), en Europe (Blenheim palace en Angleterre, Nordkirchen en Allemagne) et en Amérique.
Pour ce paysagiste de renommée internationale, le jardin, construction de l’homme, doit apparaître comme tel. Le paysage, œuvre de la nature, doit le prolonger et le magnifier. (…) Il composa des jardins dans ce style régulier qui lui est propre, au tracé parfaitement architecturé, aux nivellements minutieusement étudiés, à la perspective maîtrisé, où le paysage lointain sert très souvent de toile de fond. (Cité dans Les jardins des Duchêne en Europe, catalogue d'exposition, Écomusée du Creusot, éditions Spiralinthe, 2000. Préface de M. Baridon).
Achille Duchêne poursuit en effet l’œuvre engagée par son père et renoue avec la tradition des grands jardins français du XVIIe siècle et adopte les formes géométriques des parterres. Le parc Wallach est donc un jardin à la française de style régulier.
Lors de la restauration du parc en 1990, le style régulier du parc a été renforcé par l’aménagement d’un labyrinthe, de parterres et d’une roseraie.
Le parc de Riedisheim est étudié dans le circuit proposé par la Nef des sciences intitulé Mulhouse : entre jardins et architectures de l’industrie.