Par André Studer
Publié le 1er octobre 2010
Au XIXe siècle, la population mulhousienne a été multipliée par quinze.
Retour à Mulhouse au XIXe siècle
Évolution de la population mulhousienne (1700-1975)
Carte Stéphane Hibou, 2010
Document CRDP d'Alsace
L'évolution de la population mulhousienne au cours du XIXe siècle peut être saisie par le biais d'une courbe de croissance.
Celle-ci a été réalisée d'après celle dressée par Paul Meyer dans son article sur Un paysage urbain en mutation profonde, paru dans l'Histoire de Mulhouse, ouvrage dirigé par Georges Livet et Raymond Oberlé (Éditions des DNA-ISTRA, Strasbourg, 1977, fig. 90, p. 410).
Le document est téléchargeable au format PDF (1 p., 300 Ko).
Au XVIIe siècle, la population de Mulhouse passe de 2 100 habitants environ en 1600 à 3 302 en 1699, année du premier recensement. Malgré les épidémies, par exemple celle de peste en 1630 qui fit 225 victimes (soit plus de 10% de la population) et contrairement au reste de l’Alsace, la population de Mulhouse a crû de plus de 50%, pendant le siècle le plus noir de l’histoire de l’Alsace.
Au XVIIIe siècle, la croissance a été encore plus forte. En 1750, Mulhouse comptait 4 025 habitants et, en 1782, année du deuxième recensement, 7 956. Comme au XVIIe siècle, le taux de mortalité est supérieur à 30 pour mille et, pour le groupe des étrangers, c’est-à-dire les ouvriers des manufactures et les mendiants venus des villages voisins et de la région, il est proche de 50 pour mille. Cette surmortalité s’explique par la mauvaise qualité de leur nourriture et de leur hébergement, ainsi que par le fait que le médecin est rarement appelé par les pauvres.
Certaines années, la population est sévèrement touchée par les épidémies comme la variole qui prend, au XVIIIe siècle, le relais de la peste. De même en est-il lorsque les récoltes sont mauvaises, comme de 1770 à 1772 ou en 1788, où le prix du blé et du pain explose, ainsi que la mortalité.
De 1798 à 1830, la population de Mulhouse fait plus que doubler : elle passe de 6 000 à 13 000 habitants. En 1798, année du rattachement de Mulhouse à la France, la ville comptait 6 018 habitants répartis dans 700 maisons. À partir de 1807, les maisons sont construites hors les murs. En 1815, Mulhouse comptait 9 350 habitants logés dans 908 maisons, dont 152 extra muros. De 1809 à 1811, les portes sont démolies et, en 1812, la traversée de Mulhouse par le canal du Rhône au Rhin –la décision de construire celui-ci date de 1804– est achevée.
Pendant le deuxième tiers du XIXe siècle, la croissance de la population est spectaculaire : on atteint les 20 000 habitants en 1844, les 30 000 en 1848, les 50 000 en 1858, les 60 000 en 1866 et les 65 000 en 1870. Même si la natalité l’emporte sur la mortalité (35 pour mille contre 27 pour mille à la fin du Second Empire), l’immigration est la cause essentielle de l’accroissement. Émile Souvestre, professeur au collège, parle en 1832 d’un mélange d’Alsaciens, de Suisses et Tyroliens, de juifs et de Français de l’intérieur ce qui, dit-il, l’empêche de se sentir en France.
Le maximum de l’immigration se situe vers 1835. Sur 100 immigrants, 65 viennent d’Alsace. Parmi eux, quarante-cinq sont des Haut-Rhinois issus des communes de la couronne mulhousienne, de la Hardt, du Sundgau, de l’actuel Territoire de Belfort et des vallées vosgiennes. Vingt sont des Bas-Rhinois, dont beaucoup de la région située au nord de Haguenau, l’Outre-Forêt. Dix viennent des autres régions de France, en premier lieu celles qui sont les plus proches telles que la Lorraine et la Franche-Comté. Vingt-cinq sur cent sont, enfin, des étrangers (Suisses, Allemands, Autrichiens...) dont un grand nombre, langue oblige, est vite assimilé et naturalisé.
En période de crise, comme en 1848, les ouvriers étrangers sont les premiers licenciés : 2 500 sont partis de Mulhouse en 1848 à la demande des ouvriers alsaciens. Entre 1815 et 1869, le nombre de catholiques dépasse de plus en plus nettement celui des protestants : les catholiques ne sont que 2 000 en 1815 pour une population de plus de 9 000 habitants, alors qu’en 1869 les catholiques sont près de 50 000 contre un peu plus de 10 000 protestants.
L'une des conséquences de la guerre de 1870 est la chute de la population de Mulhouse qui compte seulement 52 892 habitants au recensement de décembre 1871 : sont partis les optants, c’est-à-dire ceux qui veulent rester Français et qui doivent donc quitter l’Alsace, et les chômeurs. Puis la croissance reprend : en 1875, Mulhouse compte déjà 58 500 habitants.
La ville augmente de 800 à 1 000 habitants par an à cause de l’accroissement naturel : même si le taux de natalité baisse de 35 à 20 pour mille entre 1875 et 1910, cela est compensé par une baisse du taux de mortalité de 30,5 à 15,5 pour mille. Le solde migratoire est, comme le solde naturel, positif grâce à l’arrivée de nombreux immigrés allemands qualifiés de vieux Allemands, qui constituent 1/5e de la population de Mulhouse en 1905.
En 1905, la ville compte 94 100 habitants dont 72 100 catholiques, 19 600 protestants et 2 400 juifs. Le 1er juin 1914, avec l’intégration de Dornach, elle compte 105 000 habitants.
Ce sont les communes limitrophes de Mulhouse qui ont connue une croissance spectaculaire au XXe siècle. Contrairement à celle de ses voisines Bâle et Strasbourg, la courbe de la population de Mulhouse a globalement cessé de croître.
Dans la première moitié du siècle, ce sont les deux guerres mondiales ainsi que la dépression liée à la crise de 1929 qui font chuter le nombre des Mulhousiens. En 1921, Mulhouse ne compte plus que 99 000 habitants à cause de la Grande Guerre et de ses conséquences, comme le départ des vieux Allemands ou la grippe espagnole qui a fait des centaines de victimes. Au recensement de 1946, qui est le premier de l’après seconde guerre mondiale, malgré le rattachement de Bourtzwiller, Mulhouse compte seulement 87 000 habitants.
Puis, grâce aux Trente Glorieuses, la croissance redevient vive. Quelques 119 326 habitants sont enregistrés lors du recensement de 1975. Depuis cette date, la population décroît : au dernier recensement général français, en 1999, on compte seulement quelques 112 002 habitants .