Par Emmanuel Claerr
Publié le 1er octobre 2010
Ce canal est absolument droit à travers tout le pays. Cette droite est impressionnante au milieu du site confus ; c’est un travail d’homme. C’est émouvant. C’est d’un lyrisme certain dans ce paysage flou.
Le Corbusier, Urbanisme, 1924 (À propos du canal du Rhône au Rhin).
Voies navigables à petit et grand gabarit
Carte VNF, 2010
Coll. Voies navigables de France
L’Alsace est une région riche en canaux de navigation.
Certains ont été mis en place pour un besoin militaire et temporaire (comme les canaux Vauban, créés pour apporter les pierres pour la construction des places fortes de Neuf-Brisach, de Fort-Louis et de la citadelle de Strasbourg).
D'autres, cependant, ont été construits pour permettre les échanges commerciaux (bois, charbon, sable puis produits pétroliers) entre le bassin du Rhin et celui du Rhône (canal du Rhône au Rhin) ou entre le bassin du Rhin et celui de la Seine (canal de la Marne au Rhin).
Actuellement, en Alsace, 175 kilomètres de canaux sont ouverts à la navigation. Ils sont, bien sûr, toujours utilisés pour le transport des marchandises, mais ont également un rôle de plus en plus important dans le tourisme fluvial.
Le soleil, chaviré derrière les remparts,
Caresse d’un peu d’or les arbres vénérables,
Et le long du canal, lourds de tant de départs,
Les chalands dorment, chapelet interminable.
(...)
Au loin la ligne bleue du Rhin et des montagnes…
Tout est calme, et tout est pur comme le soir.
L’eau luisante s’éteint. Puis l’ombre unie gagne
Les chalands alignés, immenses poissons noirs…
Elsa Koeberlé, Décors et Chants, Paris, Mercure de France, 1989, p. 39
D’autres canaux, désaffectés mais conservés, jouent un rôle pour l’irrigation mais aussi pour diverses activités de loisir (pêche, pistes cyclables), suite à la reconversion de l’ancien chemin de halage.
C’est le cas par exemple du canal du Rhône au Rhin, dont une grande partie du parcours entre Strasbourg et Mulhouse n’est plus ouvert à la navigation.
C’était le canal du Rhône au Rhin avec sa longue bordure de peupliers joignant leurs pointes vertes dans cette eau familière et comme privée, emprisonnée d’étroites rives.
Ça et là, sur la berge, une cabane d’éclusier ; des enfants courant pieds nus sur les barres de l’écluse et, dans un jaillissement d’écume, de grands trains de bois qui s’avançaient lentement tenant toute la largeur du canal.
Alphonse Daudet, Contes du lundi
Quel fut d’ailleurs l’intérêt, dans la première partie du XIXe siècle, de construire un canal, parallèle au Rhin, entre Strasbourg et Mulhouse ?
Canal de la Marne au Rhin, près Arzwiller
Ill. Charles Bernhoeft, 1894
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 726964)
Avant les travaux de correction du Rhin proposé par Tulla et réalisés entre 1840 et 1900, la remontée du Rhin était difficile : le cours du fleuve fluctuait avec les crues et le courant, les nombreux bras morts et îles rendaient le halage délicat.
Après ces travaux, la situation ne s’améliora pas, au contraire : en réduisant de 14% (environ 30 kilomètres) la longueur du fleuve entre Bâle et Lauterbourg, ces travaux rompirent l’équilibre du fleuve en provoquant un accroissement de sa pente qui eut pour conséquences une augmentation de la vitesse des eaux (les chalands le remontaient de plus en plus difficilement) et un transport de matériaux vers l’aval. Le creusement du lit du fleuve en amont (avec notamment l'apparition de la barre rocheuse d’Istein) et la constitution de bancs de graviers en aval rendirent la navigation du Rhin pratiquement impossible, une vingtaine d’années après le début des travaux. En 1868, la navigation sur le Rhin s’arrêtait à Lauterbourg !
Bassin du Canal du Rhône au Rhin
Ill. J. Pedraglio, 1854
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 707226)
Il fallut ainsi attendre les travaux de régularisation, réalisés entre 1906 et 1924 entre Lauterbourg et Strasbourg, et ceux de canalisation du Rhin, réalisés entre 1930 à 1960 entre Strasbourg et Bâle, pour que la navigation sur le fleuve puisse reprendre jusqu’à Bâle.
Dans les années 1950, une étude démontre que le raccordement au grand canal d’Alsace du canal du Rhône au Rhin au niveau de la commune de Niffer permettait de réaliser un gain de temps considérable pour les péniches et répondait à un impératif économique.
La mise en service en 1961 du raccordement entre Mulhouse et Niffer provoqua donc le déclassement partiel de la branche nord du canal du Rhône au Rhin.
Quatre centrales hydroélectriques ponctuent la longueur du grand canal d'Alsace: Kembs (1932), Ottmarsheim (1952), Fessenheim (1956) et Vogelgrun (1959). Le grand canal permet également l’alimentation en eau pour le refroidissement de la centrale nucléaire de Fessenheim (1977).
Le canal est actuellement en service de Kembs à Niffer et sert à alimenter en eau le canal du Rhône au Rhin.
Différentes sections du canal en plaine d’Alsace ont été déclassées et servent actuellement à l’irrigation ou à la pêche.
Le canal a joué un rôle important dans l’approvisionnement de l’Alsace en charbon, notamment de Mulhouse.
En complément, se reporter au dossier sur Mulhouse, ville de la Révolution industrielle.
L'intérêt militaire du canal a été de fournir les pierres pour l’édification de la citadelle de Strasbourg (grès provenant de la carrière de Soultz-les-Bains).
Ce canal visait à fournir des vivres, munitions et matériaux de construction pour l’entretien de Fort-Louis. Il était également destiné au transport d’hommes et de matériel de guerre vers le nord, hors de la vue et du feu de l’ennemi. Il servit notamment lors du siège de Landau (1713).
L'enjeu de ce canal était de fournir les pierres pour l'édification de la fortification de Neuf-Brisach (grès provenant de la carrière de Schauenberg).
En complément, se reporter aux cartes de Cassini, montrant le Rhin non aménagé et les cours d'eau d'Alsace à la veille de la Révolution française.
D'après Wikipédia, Encyclopédie libre en ligne