Par Emmanuel Claerr
Publié le 1er octobre 2010
Les lacs de Haute-Alsace sont, pour beaucoup d’Alsaciens, le symbole d’une nature préservée voire exempte de l’intervention humaine. Il est vrai que ces lacs localisés dans le fond d’impressionnants cirques glaciaires, formés lors de la dernière glaciation (Würm), offrent à leurs visiteurs des paysages enchanteurs.
La plupart de ces lacs auraient disparu si l’homme n’était pas intervenu. Ainsi certains, comme celui du Lachtelweiher ou le lac Blanc, ont vu leur digue naturelle surélevée. D’autres, qui étaient d'anciens lacs devenus tourbières, ont été ressuscités par la construction d’une digue artificielle surmontant le verrou glaciaire : c'est, par exemple, le cas du lac d’Alfeld, du lac de la Lauch ou de celui de l’Altenweiher. Enfin, quelques-uns d'entre eux ont été créés de toutes pièces, comme le Lac de Kruth–Wildenstein ou celui de la Lauch. Tous ces travaux ont finalement permis de régulariser l’écoulement des eaux au cours de l’année pour les activités humaines des vallées.
Il est vrai que le problème du ravitaillement en eau a toujours été une question épineuse à l’est du massif des Vosges granitiques. En effet ce secteur alsacien, abrité au pied oriental des Vosges, ne reçoit que de faibles précipitations : c'est ce que l'on appelle l'effet de foehn. De plus, les cours d’eau sont principalement alimentés par des sources, qui sont des résurgences de nappes phréatiques de faible importance, et par le ruissellement. Or, les crêtes et les flancs du massif vosgien cristallin, souvent dénudés, ne retiennent pas l’humidité et les vallées raides et courtes provoquent un écoulement rapide de l’eau des ruisseaux.
Ainsi, paysans et meuniers se disputent depuis toujours l’eau disponible. Pendant longtemps, les inondations et les sécheresses étaient régulières. De plus, à partir du XIXe siècle et avec l’industrialisation des vallées, les besoins en eau ont augmenté.
On eut alors l’idée de créer des retenues d’eau dans les cirques glacières dans le but d’accumuler, durant les saisons favorables, des réserves d’eau, afin de compenser le déficit en précipitations des mois secs.
Le lac du Ballon pourrait être le plus ancien réservoir de ce type. Il a été aménagé sous Vauban en 1669, afin de permettre l’alimentation en eau du canal de Neuf-Brisach.
Si les lacs tiennent une si grande place dans la vie des hommes, ce n'est pas seulement parce qu'ils leur sont utiles pour satisfaire leurs besoins en eau. Ils sont, en effet, également porteurs de toute une tradition populaire, où les légendes les entourant sont nombreuses.
Le lac de Seven serait né de la transgression des préceptes chrétiens selon lesquels le dimanche, jour du Seigneur, doit être un jour chômé.
Ainsi, un riche fermier aurait passé son dimanche loin de sa femme et du clocher de son village, afin de faner ses prés. À la nuit tombante, s’apprêtant à rentrer, un orage éclata et la foudre ne tarda pas à tomber à proximité de la rivière. Le fermier, apeuré et fouettant ses chevaux dans l’espoir d’être à l’abri avant que les averses ne commencent, fut frappé par la foudre alors même qu’il n’avait fait que quelques mètres. La légende raconte que la violence du choc fut telle que le sol s’entrouvrit, engloutissant le fermier et son attelage. Les trombes d’eau s’abattirent et gonflèrent le cours d’eau jusqu’à la crue.
Les prés fraîchement fanés furent noyés par cette eau abondante, qui donna naissance au lac de Seven. Il est dit que le sceptre du paysan, toujours prisonnier des eaux du lac, erre à ses abords du crépuscule au petit matin, au milieu des hennissements de ses chevaux et des grincements de sa charrette brisée.
Un rocher, en forme de forteresse, domine aujourd’hui encore le lac Blanc. La tradition populaire en a fait le château Hans, la demeure d’un seigneur sanguinaire et cruel qui terrorisait la population de la région.
La légende la plus célèbre de ce lac est celle selon laquelle les pierres qui le bordent ont le pouvoir de se changer en or. D'origine mystérieuse, ce lac porterait en lui l'énigme de la fameuse pierre philosophale des alchimistes.
L'autre nom du lac des Perches est Sternsee, qui signifie Lac des étoiles. La légende raconte que le fils du comte Maso, qui habitait dans la région, monta au lac un jour et fut surpris par la nuit. Les étoiles se réflétant si bien dans l'eau miroir du lac, il voulu les attraper, mais y tomba et s'y noya.
Il est raconté que certaines nuits de pleine lune un carosse d'or, reposant le reste du temps au fond du lac, revient à la surface.
Les habitants du village de Guebwiller, à proximité duquel se trouve le lac de la Lauch, savent qu'à la première pleine lune de pintemps, une couleur scintillante jaillit du fond du lac. Il s'agit, dit-on, du char d'Attila, qui l'aurait laissé ici après sa défaite aux Champs Catalauniques, en 451, afin de semer ses poursuivants et venir le récupérer plus tard.
La tradition en fait un char en or, orné de tête de mort et tirés par de bœufs. La légende précise que seuls sept frères peuvent parvenir à extraire le char des eaux troubles du lac, à la seule condition qu'ils ne prononcent pas un seul mot. Les frères Linthal faillirent y parvenir lorsque l'un d'eux, sous le poids de la charge, s'écrit Je n'en peux plus.
En complément, se reporter à l'article Pourquoi lire des légendes aujourd'hui?, mis en ligne par le CRDP de Strasbourg.
Lac d'Alfeld
Ill. Charles Bernhoeft, 1894
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 727330)
Lac artificiel construit entre 1884 et 1887, à l’emplacement d’une ancienne tourbière. Sa digue a été renforcée par un remblais devant le barrage, en 1895. Le lac d'Alfeld sert à réguler les inondations, à irriguer la vallée en été et à fournir de l’eau aux industries textiles et chimiques.
Lac niché dans un cirque glaciaire. Une tourbière existait ici avant la construction du barrage, entre 1886 et 1893. Le lac sert à réguler les inondations et à irriguer la vallée en été.
Lac aménagé dans un cirque glaciaire sous Vauban (1669), par la construction d'un barrage permettant l’alimentation du canal de Neuf-Brisach. Cette réserve d'eau garantit l'approvisionnement de la vallée du Florival (Guebwiller).
Lac Blanc
Ill. T. Taylor, 1889
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 660395)
Lac glaciaire avec barrage.
D'origine glaciaire, ce lac a été rehaussé vers 1850 par le manufacturier munstérien Jacques Hartmann pour servir de réserve à poissons.
Ce lac glaciaire est le plus haut des Vosges. Il tient son nom des truites qui le peuplaient et dont les abbés de Murbach firent un vivier important. C'est aujourd'hui une ancienne tourbière. Il dispose d'un barrage, aménagé entre 1840 et 1853 par Immer-Klein pour des besoins industriels (coton).
Lac artificiel construit entre 1959 et 1963. Son barrage sert à réguler les crues de la Thur et à irriguer la vallée en été.
Il s'agit du plus méridional des lacs vosgiens. La digue, naturelle, est peut-être née d'un glissement de terrain au cours duquel l'amoncellement de roches, en stoppant l'écoulement des eaux, aurait créé le lac. Elle est aujourd'hui entretenue par l'homme. Son nom est peut-être issu d'une déformation de Loch (forêt), Tal (vallée) et Weiher (lac).
Lac artificiel aménagé entre 1889 et 1894 avec un barrage de 250 mètres de long et de 28 mètres de haut. Réserve d'eau qui garantit l'approvisionnement de la vallée du Florival (Guebwiller).
Lacs superposés d’origine tectonique et glaciaire de surcreusement glaciaire. La digue a été relevée au début du XIXe siècle pour alimenter les usines Zeller d'Oberbruck.
Lac Noir
Photo Alphonse Wioland, 1906
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 712957)
Lac glaciaire avec barrage. Une centrale hydro-électrique a été construite entre 1928 et 1933 par René Koechlin (première Station de Transfert d’Énergie par Pompage/turbinage - STEP). Il est relié au lac Blanc (105 mètres plus haut) par une conduite qui permet la production d'électricité par turbinage aux heures pleines en alternance avec la recharge du lac Blanc, plus élevé, par pompage aux heures creuses.
Lac d'origine tectonique et glaciaire qui a été rehaussé à l'aide d'un barrage au XVIe siècle pour l'alimentation de forges puis d'une usine textile.
Ancienne tourbière qui devient un lac lors de la construction de petit barrage pour rehausser le niveau de l’eau et permettre de réguler le flot des eaux vers les usines de textile et les scieries de la vallée de Munster.
Lac naturel de surcreusement glaciaire. Présence d’une importante tourbière.
Lac vert
Photo A. Wioland, 1906
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 712903)
Lac glaciaire avec barrage. La digue de 10 mètres de haut a été aménagée par le manufacturier munstérien Jacques Hartmann en 1835, pour en faire un réservoir pour ses usines. L'eau est de couleur bleu cobalt en hiver. En été, la multiplication rapide d'une algue trouble les eaux du lac, qui deviennent verdâtres.
D'après Wikipédia, Encyclopédie libre en ligne