Par Annick Couval
Publié le 13 juillet 2011 - Mis à jour le 24 novembre 2011
Doyenne des organisations politiques européennes, le Conseil de l’Europe a fêté en 2009 ses soixante ans d’existence. Cet anniversaire a été l’occasion de faire le bilan des réalisations de cette organisation intergouvernementale durant plus d’un demi siècle et de mettre en relief ses réussites mais aussi ses limites.
Le Conseil de l’Europe est le résultat d’initiatives diverses et de difficiles négociations au cours de l’hiver 1948-1949.
L’idée de créer cette organisation européenne a été soutenue non seulement par des politiques mais aussi par des organes non politiques : c’est là l'une des particularités de cette organisation européenne et qui l’en distingue d’organisations telles que l’OECE (Organisation Européenne pour la Coopération Économique), créée en 1947.
Le rôle du premier ministre britannique, Winston Churchill, a été déterminant dans la création du Conseil de l’Europe.
Dès la fin de la seconde guerre mondiale, il propose aux États européens continentaux de se grouper autour de la France et de l’Allemagne pour créer une organisation intergouvernementale parrainée et soutenue par l’Angleterre - mais sans celle-ci.
Dans le discours qu’il prononce à l’université de Zurich le 19 septembre 1946, le premier ministre britannique appelle à la création d’États-Unis d’Europe, un groupement européen qui donnerait le sentiment d’un patriotisme plus large et d’une citoyenneté commune aux peuples de l’Europe turbulente, alors ravagée par le conflit mondial.
La vidéo complète du discours du premier ministre britannique est disponible en ligne sur le site de l'European Navigator (ENA), la référence multimédia sur l'histoire de l'Europe. Sont également proposées la retranscription anglaise et une traduction française du discours.
À côté de ce projet qui relève de la coopération intergouvernementale classique, des propositions plus novatrices émanent du Mouvement européen, qui tient ses assises à La Haye en mai 1948.
Présidé par Churchill il oppose, d'une part, les fédéralistes derrière Coudenhove-Kalergi, partisans d’un transfert de souveraineté des États-nations vers des institutions européennes et, d’autre part, les unionistes qui veulent s’en tenir à la coopération intergouvernementale. Malgré ces divergences de vue, les participants s’accordent pour demander la création d’une assemblée européenne constituée de personnalités politiques issues des parlements nationaux et de représentants de la société civile, cette assemblée ne devant être qu’un organe consultatif.
Le texte de la conférence de presse de Coudenhove-Kalergi prononcée le 25 août 1950 et faisant état des propositions avancées par l'Union Parlement Européenne est conservé aux Archives de Strasbourg. Il est disponible en téléchargement (198 MW 77 - Document PDF - 2 pages - 2 Mo).
Signature du Statut du Conseil de l'Europe
Photo PE, Londres, 5 mai 1949
Coll. © Parlement européen
Le 5 mai 1949, les ministres des Affaires étrangères des pays membres du pacte de Bruxelles (Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas), du Royaume-Uni ainsi que de l’Irlande, l’Italie, le Danemark, la Norvège et la Suède signent, au Palais St. James de Londres, le Statut, document officiel portant création du Conseil de l'Europe. Le Statut de l’organisation entre en vigueur le 3 août 1949. Une vidéo consacrée à sa signature est disponible sur le site de l'European Navigator.
Ce texte met en place deux organismes politiques : le Comité des Ministres et l’Assemblée européenne, ainsi qu'un organisme administratif, le Secrétariat Général, élu par l’Assemblée parlementaire pour cinq ans et qui coordonne les activités du Conseil.
En complément, nous vous proposons de vous reporter à l’organigramme des institutions du Conseil de l’Europe telles qu'elles existaient en 1950 (en anglais). Ce document est issu du fonds du Conseil de l'Europe et a été mis à disposition par le Centre Virtuel du conseil de l'Europe.
Ce Statut est le fruit d’un compromis entre la position franco-belge et la position britannique, trouvé au terme d’âpres négociations entre la fin 1948 et le début 1949.
C'est un fait établi que par l'intermédiaire des divers organes institués par les Puissances du Traité de Bruxelles un grand progrès a été fait dans la voie d'une coopération effective de l'Europe Occidentale. Ce qui maintenant apparaît nécessaire c'est de compléter ce cadre. A cette fin la délégation du Royaume-Uni propose, sur les bases suivantes, la formation d'un nouvel organisme qui serait appelé le Conseil de l'Europe:
(a) Ce Conseil de l’Europe serait établi, dans sa première phase, pour une période de cinq années et se réunirait à intervalles déterminés pour discuter de toutes matières d'intérêt commun.
(b) Les Puissances représentées au stade initial seraient les cinq Puissances de Bruxelles. Dans l'avenir le Conseil pourrait être élargi de façon à comprendre des délégations d'autres Etats membres de l'O.E.C.E. A un stade relativement proche l'Italie pourrait y être incluse. Ultérieurement, et ceci sous réserve des garanties nécessaires, il pourrait être jugé opportun d'inclure l'Allemagne occidentale.
(c) Les Etats seraient représentés au Conseil de l'Europe par des délégations désignées par les gouvernements et dirigées par des ministres. Ces délégations seraient composées sur des bases analogues à celles des délégations nationales aux Nations Unies ou à l'Assemblée de l'ancienne Société des Nations, c'est-à-dire qu'elles pourraient comprendre des personnalités politiques prises en dehors du Gouvernement et d'autres personnes choisies pour leurs compétences particulières.
(d) Le Conseil de l'Europe serait secondé par un important secrétariat international d'un caractère permanent. Il fonctionnerait avec le minimum de formalisme et de procédure rigide. Les décisions seraient prises d'un commun accord et non par un vote à la majorité.
(e) Les problèmes de défense sont actuellement du ressort des Puissances de Bruxelles et seront éventuellement plus tard du domaine du Pacte de l'Atlantique projeté. Les questions économiques seront essentiellement de la compétence de l'O.E.C.E. jusqu'en 1952.
(f) Chaque Gouvernement représenté au Conseil de l'Europe rendrait compte à son propre parlement. Ceci offrirait à l'opinion publique de chaque pays la possibilité d'être pleinement entendue.
En élaborant ces propositions, la délégation du Royaume-Uni a été inspirée par les considérations suivantes. Ce qui est le plus nécessaire à l'heure actuelle c'est de mettre sur pied une organisation qui puisse permettre aux gouvernements de l'Europe occidentale de travailler ensemble d'une façon plus effective. La délégation du Royaume-Uni considère que les efforts de l'Europe occidentale devraient tendre à cette fin et que ce serait une vue ni réaliste, ni pratique des choses que d'essayer de donner un pouvoir exécutif ou législatif à un organisme non gouvernemental.
Cette proposition a aussi le mérite de la simplicité. D'une part, elle laisse la possibilité d'associer au Conseil de l'Europe des territoires d'outre-mer ayant des relations particulières avec les gouvernements participants. D’autre part, elle évite les difficultés qui pourraient surgir de l’existence de différences de procédure constitutionnelle.
Archives historiques du Conseil de l'Europe, Strasbourg, 1948.
Télécharger le texte sur le site de l'European Navigator.
1ère session du Comité des ministres
Photo Conseil de l'Europe, août 1949
Coll. © Conseil de l'Europe
Le Comité des ministres répond à la volonté britannique de créer une institution émanant des gouvernements. Rassemblant les ministres des Affaires étrangères des États membres ou de leurs représentants permanents, il est l’instance de décision du Conseil. Il tient sa première réunion en août 1949, à l’hôtel de ville de Strasbourg, comme en témoigne la photographie ci-contre.
L’Assemblée européenne, composée de délégués nommés par les divers parlements européens et au rôle consultatif, répond à la volonté franco-belge de créer un organe non gouvernemental. C’est la première expérience d’un Parlement international. L’Assemblée se réunit elle aussi, pour la première fois, à l'hôtel de ville de Strasbourg, en août 1949.
Date de diffusion : 18/08/1949 - Durée : 01min41s - Voir page correspondante sur le site INA
À Strasbourg, l'assemblée consultative européenne s'est réunie, en présence des représentants de treize nations, pour une première expérience d'un Parlement international. C'est Monsieur Édouard Herriot qui a ouvert les débats en prononçant un discours, puis Monsieur Spaak a été élu le premier président de cette nouvelle assemblée. Enfin, Monsieur Churchill a prononcé un discours en français devant la foule des Strasbourgeois.
Toutes les nuances de l’opinion démocratique se retrouvent à l’Assemblée. Pour la toute première fois, les États ont volontairement renoncé à se faire représenter uniquement par des délégués munis d’instructions gouvernementales. Ce n’est ni feu la SDN (Société Des Nations), ni l’ONU (Organisation des Nations Unies), mais bien l’assemblée où se rencontrent gouvernements et membres des oppositions nationales. Le belge Paul-Henri Spaak en est élu président, préfiguration du Parlement européen.
Cette première expérience ne fait cependant pas naître que de l’enthousiasme.
Pour les uns, elle suscite du scepticisme, comme le montre l’article de Raymond Aron, « Que peut-on attendre de l'Assemblée Européenne ? », publié dans Le Figaro le 10 août 1949 et disponible en ligne sur le site de l'ENA. Cet article souligne la valeur symbolique de l'institution, tout en constatant ses limites politiques.
Pour d’autres, cette première expérience du Conseil de l’Europe doit être une étape pour une intégration plus grande des États européens, comme le montre la motion rédigée par le Conseil élargi de l’Union parlementaire européenne qui se réunit à Gstaad en juillet 1949. Le texte de la motion, conservé aux Archives de Strasbourg, est disponible en téléchargement (198 MW 77) (Document PDF - 2 pages - 2 Mo).
Dès les années 1950, une réflexion est menée sur la modification du Statut. Cependant, c’est surtout par la pratique que se réalisent des évolutions à la fois en matière de fonctionnement et de compétences du Conseil de l’Europe.
En ce qui concerne son fonctionnement, des évolutions marquent à la fois le Comité des ministres et l’Assemblée. Un schéma interactif de son organisation et de son fonctionnement d'après les dispositions du statut du Conseil de l'Europe du 5 mai 1949 a été réalisé par le Centre Virtuel de la Connaissance sur l'Europe et est disponible sur son site European Navigator.
Dès 1951, les réunions au niveau des délégués des ministres permettent de multiplier les sessions. Concrètement, à côté des deux réunions annuelles des ministres des Affaires étrangères, se tiennent désormais une dizaine de réunions des délégués, en général représentants permanents. Au fil des années, et surtout depuis 1989, la fréquence de ces réunions a encore tendance à augmenter. Par ailleurs, depuis 1959, se tiennent aussi des conférences de ministres spécialisés, par exemple des ministres de l’Éducation, de la Culture, de la Justice, du Travail, etc.
L’Assemblée tend, quant à elle, à se structurer en Parlement. Des commissions sont mises en place dès 1949, puis des groupes politiques transnationaux sont créés, en 1956, suivant l’exemple des l’Assemblée commune de la CECA (mais les représentants continuent de siéger par ordre alphabétique). En 1973, l’Assemblée consultative décide, de sa propre autorité, de s’appeler désormais Assemblée parlementaire, à l’instar de l’Assemblée des Communautés qui s’était intitulée Parlement européen en 1962. Cette dénomination ne change rien aux compétences de l’Assemblée mais elle témoigne de ses efforts continus pour accroître son influence.
Le Comité des Ministres et l’Assemblée multiplient la création d’organes qui donnent naissance à de multiples autres, qualifiés de subsidiaires, par opposition aux organes statutaires évoqués plus haut. Parmi ces organes subsidiaires, qui sont des comités consultatifs ou techniques, on peut citer le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe, organe consultatif, représentant les collectivités locales.
L’Assemblée qui, dès 1951, est parvenue à conquérir la pleine liberté de son ordre du jour, et donc à rejeter, sur ce point, le contrôle du Comité des ministres, a réussi à s’émanciper par rapport au texte du traité et à étendre son champ d’intérêt au-delà des sphères de compétences délimitées par le Statut.
Aussi vastes soient-ils (consolidation de la paix, justice, coopération internationale, valeurs spirituelles, valeurs morales, liberté individuelle, liberté politique, démocratie véritable, progrès social, progrès économique), ces champs de compétence n’incluent pas la défense. En effet, l’article 1d prévoit que les questions relatives à la Défense nationale ne sont pas de la compétence du Conseil de l’Europe. Or dès 1950, peu après le début de la guerre de Corée, l’Assemblée organise un débat sur la sécurité –elle préconise la création d’une armée européenne- et parvient à faire admettre son droit d’étudier les aspects politiques des problèmes de sécurité. Désormais aucune question n’est interdite ; tous les aspects de la construction européenne, et plus généralement de la vie internationale, sont largement abordés.
Dans une interview réalisée en juin 2002, Paul Collowald, alors journaliste au quotidien Le Nouvel Alsacien, met en évidence la manière dont les parlementaires de l'Assemblée du Conseil de l'Europe, malgré le fait que le Statut de l'organisation n'accorde aucun pouvoir significatif à l'institution qui les rassemble, plaident dès la première séance, en août 1950, pour assumer un rôle de conscience politique de l'Europe. Cette interview est disponible sur le site de l'ENA.
Enfin, le Conseil de l’Europe a mis en place des sommets de chefs d’État et de gouvernement à partir de 1993 pour répondre au besoin créé par la nouvelle situation en Europe suite à la chute du rideau de fer (1989).
Dès le départ, la question de l’adhésion de nouveaux pays, autres que les dix signataires du Statut, a suscité des débats.
[…] 4. Admission de nouveaux Membres
M. Lange (Norvège) exprime l'idée que, le Conseil de l'Europe étant une entreprise nouvelle, il est important d'avancer pas à pas ; il serait préférable de limiter pour le moment les Membres du Conseil à ceux qui sont ici représentés. Il croit que tel serait également l'avis des représentants du Danemark et de la Suède. Il ajoute qu'à son avis il se pourrait que la Grèce et la Turquie deviennent ultérieurement les membres d'un groupe d'Etats différent.
M. Schuman (France) insiste sur l'importance qu'il y a à faire une différence entre l'admission de nouveaux membres à la cérémonie de signature et leur admission selon la procédure normale prévue à l'article 4 du projet de Statut. Sauf complète unanimité des membres de la Conférence, il ne sera pas possible d'admettre de nouveaux membres à cette cérémonie. Quant à la Grèce et à la Turquie, le Gouvernement français est entièrement favorable à leur admission ; il est important de ne pas s'ériger en censeur des régimes intérieurs des différents Etats intéressés.
Le Vicomte Obert de Thieusies (Belgique) et M. Stikker (Pays-Bas) soulignent le désir de leurs Gouvernements d'offrir à la Turquie, et surtout à la Grèce, toute facilité d'être admises au Conseil.
M. Sforza (Italie) convient qu'il ne serait possible d'admettre d'autres nations amies que si la Conférence en décidait ainsi à l'unanimité, mais il pense qu'il ne faut pas décourager ces pays. On pourrait trouver une formule par laquelle la Grèce et la Turquie recevraient l'assurance que leur désir serait pris en considération le plus tôt possible. Aucune discrimination ne devrait être faite entre les pays démocratiques remplissant les conditions mentionnées au Chapitre I du Statut.
M. Bevin (Royaume Uni) déclare que son Gouvernement est également en faveur de l'admission de ces deux pays, mais il craint qu'une discussion prolongée en ce moment retarde la signature du Statut.
Il est convenu de reprendre par la suite l'examen de cette question. […]
ANLux, AE-12379, Conférence sur la création d'un Conseil de l'Europe - Londres du 3 au 5 mai 1949, 1949.
Voir le texte intégral sur le site de l'European Navigator (ENA).
Les candidatures de la Grèce, alors en proie à une guerre civile, et de la Turquie, pays dont l’identité européenne est jugée incomplète, deux pays par ailleurs moins avancés en matière de démocratie que l’Islande, non candidate en 1949, ont notamment donné lieu à des échanges sur les exigences à avoir face à ces pays. La question consistait à savoir si l’adhésion devait être un moyen d’encourager l’évolution vers plus de démocratie ou si cette adhésion ne pouvait avoir lieu qu’une fois la démocratie bien installée dans les pays.
Cette réflexion initiale a permis de fixer la procédure à suivre pour les États candidats à l’adhésion au Conseil de l’Europe et de passer de dix membres, en 1949, à vingt-trois en 1989.
La chute du rideau de fer a suscité une vague de demandes d’adhésion au Conseil de l’Europe de la part des États d’Europe de l’Est. La politique de Gorbatchev a été déterminante dans la prise de contact entre le Conseil de l’Europe et les États situés entre l’Allemagne et l’URSS. Voir par exemple son discours devant l’Assemblée parlementaire, le 6 juillet 1989, consultable sur le site de l'ENA.
Les critères géographiques et culturels d’adhésion ont été réaffirmés. Pour résoudre la question des limites géographiques de l’Europe, non fixées de manière précise en droit international, l’Assemblée a décidé, dans une recommandation d’octobre 1994, de se baser sur une acception large de l’Europe, comme le montre le document ci-dessous. Selon cette définition, la Turquie appartient sans ambiguïté au groupe des États européens, de même que la Russie. L’Assemblée témoigne, dans cette recommandation, de sa volonté de promouvoir les relations privilégiées avec des États voisins de l’Europe, notamment les États des rives est et sud de la Méditerranée.
1. Le Conseil de l'Europe est une organisation d'États souverains qui, sur la base de Constitutions démocratiques et de la Convention européenne des Droits de l'Homme, aspirent à parvenir à une coopération étroite. L'Europe a intérêt à ce que ses valeurs fondamentales et sa conception des droits de l'homme imprègnent des cultures voisines, sans pour autant les remettre en question et encore moins les détruire.
2. Ne peuvent en principe devenir membres du Conseil de l'Europe que des États dont le territoire national est situé en totalité ou en partie sur le continent européen et dont la culture est étroitement liée à la culture européenne. Toutefois, des liens traditionnels et culturels et une adhésion aux valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe pourront justifier une coopération appropriée avec d'autres Etats qui jouxtent les limites dites géographiques.
3. Les frontières de l'Europe n'ont jusqu'à présent pas été fixées avec précision en droit international. En conséquence, le Conseil de l'Europe doit lui-même se baser, en principe, sur les limites géographiques de l'Europe généralement acceptées. (...)
Voir le texte intégral sur le site du Conseil de l'Europe.
De fait, le Conseil de l’Europe s’est élargi considérablement dans les années 1990, comme le montre le tableau suivant. Il compte actuellement 47 membres (soit 800 millions d’Européens).
États fondateurs | États devenus membres entre 1949 à 1989 | États membres depuis les années 1990 |
---|---|---|
Belgique Danemark France Irlande Italie Luxembourg Norvège Pays-Bas Royaume-Uni Suède |
Grèce (août 1949-67 / 1974) Turquie (août 1949) Islande (mars 1950) Allemagne (juillet 1950) Autriche (avril 1956) Chypre (mai 1961) Suisse (mai 1963) Malte (avril 1965) Portugal (septembre 1976) Espagne (novembre 1977) Liechtenstein (novembre 1978) Saint-Marin (novembre 1988) Finlande (mai 1989) |
Hongrie (novembre 1990) Pologne (novembre 1991) Bulgarie (mai 1992) Estonie (mai 1993) Lituanie (mai 1993) Slovénie (mai 1993) République tchèque (juin 1993) Slovaquie (juin 1993) Roumanie (octobre 1993) Andorre (novembre 1994) Lettonie (février 1995) Albanie ( juillet 1995) Moldavie (juillet 1995) Macédoine (novembre 1995) Ukraine (novembre 1995) Russie (février 1996) Croatie (novembre 1996) Géorgie (avril 1999) Arménie (janvier 2001) Azerbaïdjan (janvier 2001) Bosnie-Herzégovine (avril 2002) Serbie (avril 2003) Monaco (octobre 2004) Monténégro (mai 2007) |
Le Conseil de l’Europe a trouvé un nouveau rôle en soutenant la naissance des démocraties nouvelles, qui voulaient instaurer un État de droit et faire régner le respect des Droits de l’Homme dans la partie est de l’Europe. L'institution est devenue un passage obligatoire de respectabilité démocratique des États d’Europe centrale et orientale dans la voie de l’intégration à l’Union européenne. Son Assemblée a appuyé les candidatures des pays d’Europe centrale et de l’est à l’entrée dans l’UE, comme le montre la recommandation n°1347 de 1997, en considérant que les États membres du CE devaient être vus comme remplissant les conditions politiques de l’entrée dans l’UE.
Le Conseil de l’Europe a contribué à la promotion d’une grande Europe, par opposition à la petite Europe de l’intégration européenne, comme le rappelle Pierre Pflimlin, président de l’Assemblée de 1963 à 1966, dans une interview de mars 1998. Cette interview est disponible sur le site de l'ENA.
États membres du Conseil de l'Europe
Carte Conseil de l'Europe, s.d.
Coll. Conseil de l'Europe
En intégrant des pays de l’ex-URSS peu scrupuleux en matière de droits de l’homme et de démocratie, à commencer par la Russie, le Conseil de l’Europe semble avoir baissé le niveau d’exigence et a fait l’objet de critiques.
La violation des Droits de l’Homme dans des pays membres du Conseil de l’Europe font dire à certains que, sous l’effet de cet élargissement, le Conseil de l’Europe a changé de nature.
Pour autant, les aléas actuels de la candidature de la Biélorussie (candidate depuis 1993), à qui l’Assemblée parlementaire a suspendu en 1997 son statut d' invité spécial puis gelé sa demande d’adhésion en 1998 faute de progrès en matière de démocratie, de Droits de l'Homme et de prééminence du droit, montrent que le Conseil de l’Europe tente de rester cohérent par rapport à ses exigences. Néanmoins, les paradoxes ne manquent pas puisque la Russie, pays critiquable du point de vue du respect des Droits de l’Homme, est l’un des cinq principaux contributeurs au budget de cette organisation censée défendre les Droits de l'Homme.
Les objectifs du Conseil de l'Europe transparaissent dans les traités et accords qu'il conclut et dont la liste complète et mise à jour est disponible sur le site de l'institution.
Le général De Gaulle définissait le Conseil de l'Europe comme une maison où l'on fait des débats et des rapports. Dans une allocution prononcée le 4 mai 1992 devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, François Mitterand parlait quant à lui d'un endroit où tous les pays d'Europe, dotés d'institutions démocratiques, non seulement pourraient se rencontrer, mais seraient capables de fonder ensemble des institutions permanentes, à égalité de dignité, avec des compétences sans doute moins cernées que celles qui relèvent par exemple de la Communauté Economique Européenne mais touchant à tout ce qui contribue à la vie quotidienne de nos concitoyens. Le texte de cette allocution est proposée par le Centre Virtuel de la Connaissance de l'Europe, sur le site de l'ENA.
Dans les deux cas, les présidents français ont mis en évidence l’espace de dialogue que représente le Conseil de l'Europe pour les États membres de l’organisation qui, face aux grands problèmes de société, mènent à l’adoption par ses organes de textes ayant la valeur de recommandations aux États membres, mais aussi et surtout, à la conclusion d’accords qui, étant obligatoires pour les États qui les ratifient, deviennent la base d’une harmonisation législative sur le continent européen. Parmi ces accords, les conventions adoptées dans le domaine des droits de l’homme constituent, dès la naissance de l’organisation, le noyau dur de son action (cf. album sur la Cour européenne des droits de l’homme).
Date de diffusion : 19/11/1990 - Durée : 02min15s - Voir page correspondante sur le site INA
Députés ou sénateurs, ils sont près de 400 à être désignés par leur parlement nationaux pour travailler à Strasbourg, au Conseil de l'Europe. Cette institution a pour projet de mettre en commun la démocratie des pays membres en rapprochant leurs lois. Y ont par exemple eu lieu les deux signatures du premier code européen de la sécurité sociale et d'une convention pour la préservation de la vie sauvage et la protection de la nature. A également été créé un tribunal unique au monde, qui juge les États qui ne respectent pas la convention européenne.
Le Conseil de l’Europe est avant tout un organe de défense des Droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit. Comme le montre cet extrait vidéo, ses objectifs ne sont cependant pas uniquement politiques. Il se penche en effet sur des problèmes d’actualité tels que la cohésion sociale ou la santé. Dans un article paru dans Le Monde, le 27 novembre 2001, Francis Kessler, maître de conférences à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, clarifie notamment ce rôle peu connu du Conseil de l'Europe en matière sociale. L'institution s'investit également dans la bioéthique, l’éducation, la culture, le patrimoine, le sport, l’environnement ou la jeunesse.
Certains de ces objectifs sont la mission d’institutions sises à Strasbourg. C’est le cas de la Pharmacopée, qui garantit la qualité des médicaments en élaborant des normes communes et obligatoires ou d’Eurimages, un fonds de soutien à la coproduction et à la diffusion d’œuvres de création cinématographiques.
Le Conseil de l’Europe a pu jouer un rôle d’impulsion pour l’intégration européenne. Il a servi de tribune pour les promoteurs d’une Europe plus unie comme le montre le discours prononcé par Robert Schuman au Conseil de l’Europe en novembre 1951 annonçant la création de la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier).
Date de diffusion : 01/01/1951 - Durée : 02min15s - Voir page correspondante sur le site INA
Intégralité du discours de Robert Schuman au Conseil de l'Europe. Il s'exprime sur l'unification de l'Europe et l'importance d'engager une politique commune pour éviter le démembrement des pays.
Les réalisations du Conseil de l’Europe ont pu par ailleurs être une source d’inspiration pour l’Union européenne. La convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, texte fondateur d'une citoyenneté européenne, a largement inspiré la charte des droits fondamentaux contenue dans le traité constitutionnel de l'Union européenne. Il faut cependant noter que la réciproque est vraie aussi. À bien des égards, les institutions des Communautés ont pu servir sinon de modèles à celles du Conseil de l’Europe, au moins de stimulants, comme le montrent les évolutions qu’ont connu les institutions du Conseil de l’Europe.
Enfin, les symboles communs aux deux institutions témoignent du lien ténu qui existe entre elles. Le drapeau et l’hymne européens, adoptés par le Conseil de l’Europe en 1955 et 1972, sur proposition de Richard Coudenhove-Kalergi dès les années 1950, le sont en 1985 par les États membres de la Communauté européenne.
Voir, à ce sujet, le mémorandum de Richard Coudenhove-Kalergi adressé au Conseil de l'Europe le 27 juillet 1950 et conservé aux Archives de Strasbourg (198 MW 77) (Document PDF - 3 pages - 2 Mo) et l’échange de lettres entre Richard Coudenhove-Kalergi et Paul Levy ci-dessous.
Bellevue Palace Hôtel
Berne, le 3 Août 1955.
Monsieur Paul M. G. Levy
16, Quai Koch
Strasbourg.
Cher Ami,
Merci pour votre gentille lettre et pour vos félicitations.
J'aimerais bien proposer la hymne de la 9ème symphonie comme hymne européenne, mais je crains de faire tort à cette suggestion en prenant personnellement l'initiative depuis le rejet de la journée européenne [sic]. Pouvez-vous me donner un conseil ?
J'ai convoqué notre Conseil Central pour dimanche, le 16 octobre à Baden-Baden.
Kim Mackay et Emile Roche ont rejoint notre Conseil Central.
Veuillez transmettre mes respectueux hommages, ainsi que les amitiés de ma femme à Madame Levy et croyez, cher Ami, à mes sentiments sincèrement dévoués.
[signature]
P.s.
Notre adresse à partir de demain: Hôtel Beau Rivage, Interlaken
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5 septembre 1955
Mon cher comte,
Vous me posez la question de l'hymne européen. Comme je vous l’ai déjà dit, je crois que votre idée de proposer la 9ème symphonie est excellente. Je crois aussi que votre patronage personnel ne serait pas un inconvénient, bien au contraire, malgré le rejet du projet de journée européenne. Je crois enfin qu’il ne serait pas opportun, dans l’état actuel de nos affaires, de faire une proposition de ce genre. Lorsque l’emblème du Conseil de l’Europe aura été adopté, ce que je crois pouvoir espérer pour le début de 1956, la question de l’hymne se posera et pourra être résolue assez facilement. Ce que je pense aussi c’est qu’il faudrait qu’en toutes circonstances, vous-même et vos amis – dont je m’honore d’être – devriez favoriser l’exécution de l’Hymne à la Joie de la 9ème symphonie dans toutes les manifestations européennes. En dehors de cela, il vaut mieux ne pas soulever le lièvre en ce moment.
Veuillez, je vous prie, transmettre mes hommages à la comtesse et recevoir pour vous l’assurance de mes sentiments dévoués,
Paul M.G. Levy
Directeur de l’information.
© Archives historiques du Conseil de l'Europe
Éclipsé au fil des années par la montée en puissance de l'Union européenne, le Conseil de l’Europe se retrouve aujourd'hui en concurrence avec les institutions de Bruxelles. Si, en théorie, les rôles de I'UE et du Conseil de l'Europe se veulent complémentaires, dans la pratique, la coordination entre ces deux institutions se limite le plus souvent à un simple échange de points de vue.