Par Mireille Biret
Publié le 1er octobre 2010
Le 8 mai 1941, devant la réticence des Alsaciens à intégrer volontairement le RAD (Reichsarbeitsdienst, Service du travail), celui-ci devient obligatoire par une ordonnance du Gauleiter Wagner (il existe depuis 1935 en Allemagne pour les garçons et 1936 pour les filles).
Retour à Alsace 1940-1944
Défilé de jeunes du RAD, Place Kléber
Photo anonyme, v. 1942
© Archives de Strasbourg (1 FI 137/33)
Neuf classes d’âge pour les garçons et quatre pour les filles sont concernées par le RAD, soit environ 70 000 jeunes hommes et femmes, dont plus de 40 000 incorporés ensuite dans la Wehrmacht.
Quinze mois plus tard, le 25 août 1942, est décrétée par Robert Wagner l’incorporation de force dans la Wehrmacht.
Pour le Gauleiter, cette incorporation est l’ultime étape du processus d’intégration de l’Alsace au IIIe Reich, l’occasion pour les Alsaciens de prouver leur attachement au Reich.
Lorsque les convocations pour le RAD sont intervenues cette année et l’année dernière, un certain nombre de jeunes se sont évadés et ont franchi la frontière. Ils sont tous partis dans le malheur et le regrettent profondément aujourd’hui.
D’autres ont été arrêtés à la frontière et expient sévèrement leur acte inconsidéré. Celui qui veut franchir la frontière aujourd’hui doit savoir qu’il provoque sa propre perte. De plus, chacun doit savoir que la frontière est actuellement mieux gardée qu’autrefois et qu’on y tire à balle réelle.
[…] celui qui ne se présentera pas au conseil de révision ou qui n’obéira pas à l’ordre d’appel sera sévèrement puni. Il répondra de cette désobéissance sans pouvoir compter sur la moindre indulgence.
Lettre de Robert Wagner aux Kreisleiter d’Alsace, le 30 juin 1942
L’opinion publique alsacienne réagit négativement. Certains jeunes ont cherché à fuir ou à se libérer de cette obligation.
Le chef de l’Administration civile en Alsace a décidé que les jeunes des deux sexes entre 17 et 25 ans pourraient être appelés à faire leur Service du Travail.
Créé en 1935, c’est un service d’honneur envers le peuple allemand, obligatoire pour tous les jeunes Allemands des deux sexes et d’éducation dans le sens national-socialiste pour la communauté…
Des milliers de jeunes Allemands l’ont accompli sous l’uniforme à la couleur symbolique de terre brune avec comme arme la bêche. Ce service, Adolf Hitler en parlait ainsi à Nuremberg en 1935 : la vie nous partage forcément entre divers groupes et métiers. La tâche de l’éducation politique et morale de la nation, c’est de surmonter ces divisions, et cette tâche incombe en premier lieu au Service du Travail. Il doit faire des hommes, une communauté en mettant dans la main de tous le même instrument, celui qui honore le plus le peuple, la bêche……
La jeunesse alsacienne brûle d’impatience d’entrer dans cette école d’activité très grande et de sens du devoir accompli…
Ainsi elle aura bientôt l’occasion de faire preuve de son activité et de son esprit de camaraderie au service de la communauté dans une seule organisation, au lieu d’être divisée constamment comme autrefois. Elle pourra se débarrasser ainsi des conceptions fausses et des préjugés totalement injustifiés au sujet des caractères et des buts du RAD, des chuchotements et calomnies lamentables des irresponsables. En fait les traitements, la nourriture, les soins sont exemplaires comme d’ailleurs la vie toute entière dans les camps, certes en conservant l’indispensable discipline ! Les jeunes actuellement en train d’accomplir ce service en sont un témoignage vivant avec leur fraîcheur corporelle, leur comportement de soldat…
Les jeunes Alsaciens se verront eux-mêmes témoins de leur propre transformation pendant ces 6 mois ; ils seront fiers d’avoir contribué de leurs mains aux tâches qui leur seront confiées ; ils le seront d’autant plus, qu’attachés profondément à leur petite patrie, ils contribueront à sa reconstruction…
Ainsi les jeunes Alsaciens, soldats de la bêche, apprécieront dans ce travail son sens communautaire…
SNN, 1er juin 1941
Le RAD est un moyen d’embrigader la jeunesse, de la faire passer à l’école du travail, l’un des piliers sur lequel doit s’édifier le Reich national-socialiste. Le passage au RAD conduit les jeunes Alsaciens à devoir publiquement prêter serment au Führer, ce qui est un moyen de leur faire reconnaître leur appartenance à l’Allemagne nationale-socialiste.
Le service est accompli dans des camps à l’intérieur du Reich pour accélérer leur germanisation. Sa durée de six mois est réduite en 1943 en raison des besoins de la Wehrmacht. Certains sont d’ailleurs directement incorporés dans d’autres formations paramilitaires, comme la FLAK.
Les filles, après six mois de RAD, peuvent être incorporées dans le Kriegshilfsdienst (le service auxiliaire de guerre). Environ 6 000 femmes ont été incorporées dans des structures paramilitaires.
Pour aborder ces questions en détail et disposer de documents d'époque et de nombreux témoignages, se reporter au dossier traitant du sort des femmes incorporées de force dans les organisations allemandes entre 1941 et 1945.