Par Mireille Biret
Publié le 1er octobre 2010
L'Alsace est progressivement libérée au cours du mois de mars 1945, en même temps que la frontière allemande est franchie.
Quand, en septembre 1944, les forces alliées avancent rapidement et se rapprochent de l’Alsace, les Allemands mobilisent au maximum les dernières énergies disponibles, notamment pour des travaux de fortification (Schanzen) destinés à retarder l’avance alliée.
Le 21 août 1944, je reçus un ordre de mobilisation pour la D.C.A. (j’avais alors 16 ans et demi).
Ayant déjà eu deux entorses au courant de l’année, je me couchai, simulant une nouvelle entorse, sur les conseils d’un médecin alsacien, bon patriote, à l’arrivée de l’ordre de mobilisation.
Méfiant, le médecin-chef du Service de Santé allemand vient me voir à domicile pour contrôler l’exactitude de mes déclarations. Ayant mesuré mes deux chevilles, il déclara : ce type est en bonne santé ; dans 3 jours, il est prêt à partir. C’est toujours la même chose avec ces Alsaciens !
Et la lutte commença : sans répit je reçus fiche de mobilisation sur fiche. Le 22 septembre, je fus obligé de partir au pont du Rhin pour y creuser des tranchées. Le 7 octobre, appelé par le chef de section, qui me déclara : vous avez quitté l’école pour vous soustraire à vos obligations militaires, mais on vous aura quand même ; le 14 vous vous présenterez au camp d’aviation de Fribourg….
Il voulait m’empêcher de rentrer à Colmar avant mon départ, craignant une évasion. Je partis sans son autorisation et rencontrais mon père à mon arrivée à la gare de Colmar : il était obligé lui aussi de partir creuser des tranchées en Lorraine (à plus de 50 ans !).
Documents sur l'Alsace pendant l'Occupation, Les Amis du Terron, 1948
L’ultime étape est la création du Volksturm (la levée en masse) appliquée en Alsace le 22 octobre 1944 dans la dernière ordonnance prise par le Gauleiter Wagner.
Citoyens ! l’ennemi est devant nos portes ! Par tous les moyens nous sommes décidés à défendre la terre sacrée de notre pays et de n’en céder la moindre parcelle à l’ennemi sans une résistance acharnée. L’armée de millions d’hommes qui vient d’être créée par l’institution du VOLKSTURM nécessite en dehors des armes, munitions… des quantités énormes d’équipements. Il importe donc que tous les équipements encore utilisables soient recensés. J’appelle par conséquent toute la population alsacienne à mettre à la disposition du Volksturm toutes les pièces d’équipement encore en sa possession, surtout, outils de terrassement, casques d’acier, havre-sacs, matériels de cuisine, musettes, bidons individuels, gobelets, couverts, toiles de tente, couvertures, pansements, étuis à cartouches, etc.
Si ces objets ne sont pas nécessaires à votre propre incorporation, ils sont à remettre aux plus proches parents déjà incorporés. Tout ce qui pourrait vous rester est à remettre dans les plus brefs délais aux chefs locaux du Parti…
Le mot d’ordre est : tous les équipements encore utilisables au VOLKSTURM ! Rien de ce qui peut encore être utilisé ne doit rouiller ou pourrir quelque part !
Que chaque citoyen soit conscient du devoir impératif de l’heure et n’hésite pas à apporter de grand cœur sa contribution à la victoire.
Rien pour nous-mêmes ! Tout pour notre Allemagne et notre FÜHRER. Heil Hitler !
Étapes de la libération de l'Alsace
Carte anonyme, s.d.
© Archives de Strasbourg ()
Plus de cinq mois après le débarquement du 6 juin 1944 en Normandie et trois mois après celui en Provence du 15 août 1944, débute la libération de l’Alsace.
Au sud, dans la deuxième quinzaine de septembre 1944, la 1ère armée française de De Lattre de Tassigny atteint les Vosges et la touée de Belfort, où la 19e armée allemande du général Wiese s’est retranchée. Le 19 novembre 1944, le premier village alsacien, Seppois, est libéré et le Rhin est atteint à Rosenau. Mulhouse est libéré le 21 novembre 1944.
Voir le témoignage de M. J.-P. Spenlé, ancien membre des GMA.
Au nord, la 2e DB de Leclerc, qui fait partie de la 7e armée US commandée par le général Patch, libère Saverne le 22 novembre et entre dans Strasbourg le 23, honorant ainsi le serment de Koufra.
Au début de la deuxième quinzaine de décembre 1944, le nord et le sud de l’Alsace sont entre les mains des troupes alliées.
Mais, entre les deux se trouve la poche de Colmar, une zone qui s’étend du Rhin aux Vosges, sur la ligne Mulhouse-Thann au sud et Sélestat-Erstein au nord, d’où les Allemands peuvent contre-attaquer.
Par ailleurs, dès novembre, la 1ère DB a adopté une attitude défensive, ce qui a permis à la Wehrmacht de se ressaisir. Le 26 novembre Himmler en personne prend le commandement du groupe d’armée Oberrhein et d’importants renforts arrivent en Alsace.
Fin décembre, les Allemands lancent une contre offensive dans les Ardennes. Le 31 décembre, entre Bitche et Sarreguemines, l’opération Nordwind est engagée par huit divisions allemandes, dont deux blindées. L’objectif est de reprendre Strasbourg.
La contre-attaque allemande
Journal d'Alsace, janvier 1945
© Archives de Strasbourg ()
Au nord de la ville est créée une tête de pont à Gambsheim, tandis que la 19e armée allemande attaque entre l’Ill et le canal du Rhin au Rhône.
Début janvier 1945, le repli est ordonné par le général Eisenhower, le commandant en chef des troupes alliées sur le front occidental. Il faudra toute la force de persuasion du général De Gaulle pour que Strasbourg ne soit pas abandonnée par les forces alliées. De Lattre rassemble alors toutes les forces dont il dispose pour défendre la capitale alsacienne.
En revanche, une partie de la Basse-Alsace est abandonnée. Le repli américain provoque l’exode de plusieurs milliers de personnes entre Wissembourg et Haguenau.
Le 25 janvier, Hitler donne l’ordre d’arrêter l’offensive en Basse-Alsace.
Déclaration du Gal. de Lattre de Tassigny
Affiche armée de libération, 2 février 1945
© Archives de Strasbourg ()
Dès le 20 janvier, le général de Lattre déclenche une offensive contre la poche de Colmar.
Quatorze divisions alliées, dont quatre américaines, participent à la bataille. Le 2 février, le 109e Régiment d'Infanterie (RI) américain est aux portes de Colmar. À la demande de De lattre, le général Millburn, commandant le 21e CA américain, laisse les Français de la 5e DB du général Vernejoul libérer la ville. L'affiche ci-contre a été apposée sur les murs de celle-ci lors de sa libération.
À partir du 15 mars, le 6e CA américain et la 1ère Armée (3e DIA) développent leur offensive en Basse-Alsace.
Le 19 mars le nord du Bas-Rhin est libéré pour la deuxième fois et la frontière allemande est franchie.
En complément, se reporter à l'agenda 2010 de la ville de Colmar, qui est consacré au 65e anniversaire de la Libération de Colmar. Cette édition de l’agenda vous propose de découvrir ou de redécouvrir en images les différentes étapes de la libération de la ville.