Par Nicolas Schreck
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L’école s’inscrit dans une histoire architecturale
Doc. 1. Élèves au travail
Photo École du Musau (Strasbourg), 1934
Coll. © Archives de Strasbourg (6 OS 1, 34)
Si la finalité principale ne semble pas avoir évolué au cours des siècles, car l’école est d’abord pensée comme un espace de salles de classes, d’importantes modifications accompagnent les constructions scolaires au fil du temps : on a toujours peiné à avoir suffisamment de surfaces scolaires, construisant souvent d’une manière trop limitée, imposant aux occupants de ces espaces une densité difficile au sein des classes, une densité peu propice à l’épanouissement dans les cours de récréations.
On retiendra de vastes salles de classe, avec un apport massif de lumière et de soleil, une pédagogie adaptée aux besoins non d’instruction mais d’éducation des jeunes élèves (document 1).
Les publics scolaires et leurs enseignants ont toujours été en quête de place, souci peu entendu d’ailleurs. Mais la classe met en œuvre également des choix pédagogiques : la classe propose en effet un modèle de socialisation, avec son rythme – l’heure de cours –, ses différents agencements, entre la classe de maternelle et ses îlots, ses coins, son regroupement et celle de l’élémentaire, fortement teintée par l’enseignement frontal secondaire (voir trois types de salles, à Strasbourg, documents 1 à 3).
Bien qu’il convienne de remarquer la pédagogie du jeu, primordiale à l’école maternelle, la disposition, le calme, l’attention font penser bien plus à un enseignement d’école élémentaire qu’à une école où l’éducation primerait sur l’enseignement des disciplines (document 2).
Doc. 2 à 6. Organisation des espaces dans l'école
L’édifice scolaire répond à diverses règles : il exprime une réussite municipale, parfois même un patriotisme municipal, s’inspire des autres bâtiments municipaux construits à la même période, en particulier les églises, s’installe dans un contexte d’étalement urbain, directement en lien avec l’évolution des quartiers de la ville, en particulier la densification des périphéries.
La sieste est rendue possible par la confection de toits terrasses (document 4). La distribution de lait témoigne également de préoccupations alimentaires intégrées à l’école… Durant la crise, les écoliers reçurent également des distributions de goûters (document 5). L’école prend en charge, via le budget municipal, les soins dentaires (document 6).
La salle de classe est pourtant une réalité immuable de l’école :
Elle exprime parfois les diverses pédagogies qui y sont utilisées, la pédagogie individuelle où le maître se consacre momentanément à un seul élève, la pédagogie simultanée, qui confronte le maître à un groupe-classe… La salle possède son mobilier, ses tables d’élèves et ses collections de chaise, qu’il convient d’aligner avec soin, pour faire régner l’ordre.
La disposition du mobilier témoigne de la manière d'enseigner du maître, de ses attentes : face à lui, les alignements de tables affirment la primauté d’un savoir transmis ; disposées en îlots, l’enseignant mise sur un travail en collaboration des élèves, une vision du maître régulateur du savoir.
Enfin, la salle porte la marque de l’enseignant, qui entend façonner l’espace à l’image de sa pédagogie : affichages de classe, choix des couleurs, décors. Au-delà même de la forme de pédagogie, de salles spécialisées sont de plus en plus nombreuses dans les établissements : des salles de repos pour la sieste des enfants des petites sections de maternelle, des salles de motricité, des bibliothèques, le bureau des directeurs, les salles des professeurs, les gymnases, les logements…
Tout cet espace doit en outre être maîtrisé :
Une entrée unique, un contrôle constant de l’élève et du parent doivent être permis par l’architecture scolaire, qui doit interdire à quiconque de divaguer dans les établissements. Cette nécessité de veiller donna naissance à la surveillance scolaire, partagée par tous dans l’école élémentaire, spécialité de certains personnels dans le secondaire.
En fait, ces lieux expriment le souhait d’une stabilité, qui serait celui de la reproduction des générations. Il pose à l’évidence toujours la question de l’adéquation de l’architecture d’une école tout au long ses périodes d’usage, une école étant également un espace destiné à durer.
Les municipalités souhaitent doter les communes de bâtiments scolaires qui témoignent de la priorité donnée à l’enseignement.
Les écoles d’Alsace sont soumises à des obligations nouvelles durant la période de l’Entre-deux-guerres :
Cette législation est en évolution constante, en particulier depuis la mise en œuvre de nouvelles normes d’hygiène et de sécurité en 1935. Ces textes imposent des salles de classes à 40 places maximum (avec 1,5 m2/élèves en classe et sous le préau), d’une taille normalisée (de 9 x 8 mètres), avec un préau dans les cours de récréation, la présence d’une cantine scolaire, d’une salle d’examen médical… même d’un jardin scolaire et de logements pour le directeur ou les concierges. Les nouveaux bâtiments scolaires devaient privilégier une architecture à deux étages. La cour de récréation proposait 5m2 par élève, avec une séparation entre les deux sexes. On travaille également sur l’éclairage, qui doit être de préférence bilatéral, dans des pièces d’une hauteur minimale à 4,5 mètres. Il faut enfin ajouter un chauffage de préférence central…
Des clauses sanitaires sont rappelées : obligation de toilettes séparées, de douches dans toutes les écoles, souhait de voir les villes fournir le matériel de soin aux élèves, en particulier les brosses à dents, les brosse à ongles, la serviette et du savon…
Ces grands projets sont menés au moment où les municipalités éprouvent d’importantes difficultés financières : un endettement massif, hérité de la guerre, une pénurie de locaux et des surfaces à bâtiments, une incapacité à construire des bâtiments en nombre suffisant, enfin la dépendance envers des subventions de l’État, lui-même en difficulté.
La Ville de Strasbourg et l’État contractualisent pour un budget de 8,5 millions de francs en 1930 (dont 2,5 pour la Ville), sans arriver à réaliser toutes les rénovations et toutes les constructions nécessaires, alors que des nouveaux quartiers attendent des écoles.
Doc. 7. Couloir d'école
Photo École du Musau (Strasbourg), 1934
Coll. © Archives de Strasbourg (6 OS 1, 15)
L’école du Musau, installée dans un faubourg de Strasbourg, au Neudorf, est achevée en 1931 pour un coût de 4 750 000 francs.
Elle se compose de trois bâtiments, reliés par des préaux :
L’école bénéficie d’un chauffage central, de solutions innovantes, comme des sols en linoléum ou en caoutchouc…
De vastes couloirs répondent à des préoccupations d’évaluation, de circulation… On remarquera néanmoins qu’ils condamnent les salles de classes à n’avoir qu’un éclairage latéral (document 7).
La construction d’une école correspond généralement à une dotation en mobilier neuf. L’école reçoit dans l’exemple des bancs Strasbourg, bois et tube, qui correspondent au modèle accrédité par les autorités.
Le choix des bancs est souvent accompagné d’importants débats, puisqu’il doit éviter la levée des chaises en fin de journée, mais également respecter une certaine autonomie personnelle (document 8).
Doc. 8 à 12. Aménagement intérieur de l'école du Musau à Strasbourg
On remarquera le mobilier individuel, la modestie du bureau du maître, le souci de livrer un espace modernisé (lavabo), lumineux et aéré (document 9).
Doc. 13. Terrains concernant la construction d’une école primaire au quartier Drouot
Plan d'acquisition, 23 mars 1938
Coll. Archives municipales de Mulhouse (4 M B b 1)
Le quartier est construit par étapes, suite à l’implantation de la caserne en 1906 et d’un ensemble de 619 logements sociaux (construits entre 1930 et 1936).
La construction de l’ensemble scolaire, au cours des années 1930, témoignait d’un volontarisme municipal, souhaitant aboutir à un espace harmonieux, avec ses squares et ses jardins, le quartier d’habitation populaire offrant en outre un établissement de bains-lavoirs (1932-1933), un dispensaire, une crèche, une salle de fête et une bibliothèque.
La construction d’un groupe scolaire Jules Ferry, entre 1934-1935, témoigna de l’importance accordée à l’éducation (pour un coût de construction total, terrain compris de 4 000 000 de francs).
Le groupe scolaire […] comprend 10 classes pour les garçons et une école de la même importance pour les filles. Chaque section occupe une aile du bâtiment dont le centre abrite les locaux et services communs aux deux écoles. Les classes sont orientées au sud-ouest. […] Le sous-sol, de pleins pieds avec la cour, abritera les douches, lavabos, réfectoires, cuisines ou bien serviront de dépôt de matériel de jeux et de gymnastique de plein air.
Les classes sont réparties en deux étages. Les couloirs qui y donnent accès sont larges et spacieux. Ils serviront de vestiaires. Une grande salle de dessin a été aménagée au second étage. Elle est commune aux deux écoles.
[…] On a cherché à réaliser pour ce groupe scolaire un établissement qui, au-delà de son but direct d’instruire la jeunesse, remplira encore le rôle social de servir de centre à toutes les manifestations artistiques et intellectuelles du quartier dont il porte le nom.
Rapport explicatif
Archives municipales de Mulhouse (4 M Bb 4-7).
Doc. 15. Salles de classe (1er étage)
Plan École Drouot, 22 janvier 1932
Coll. Archives municipales de Mulhouse (4 M Bb 4-7)
On retiendra (document 15) :
Doc. 16. Façade principale
Plan École Drouot, 22 janvier 1932
Coll. Archives municipales de Mulhouse (4 M Bb 4-7)
La façade répartit l’école en deux ensembles, l’école des filles et celle des garçons. On remarquera la majesté d’un bâtiment, construit d’une manière particulièrement monumentale (document 16).
Doc. 17. Plan de situation
Plan École Drouot, janvier 1932
Coll. Archives municipales de Mulhouse (4 MBb 3)
Le plan (document 17) présente le groupe scolaire, avec l’école élémentaire, l’école maternelle, les deux logements et l’ensemble des immeubles à construire.
Le quartier devait connaître une seconde époque de fortes croissances, après la seconde guerre mondiale, étoffer les équipements (un cinéma en 1960, un centre culturel, enfin une MJC en 1969, la piscine des Jonquilles en 1970), ajoutant divers projets de logements sociaux, dès 1948, avec une première vague de constructions d’immeubles mais aussi deux foyers, le premier consacré aux travailleurs, le second à la réinsertion.
Une seconde vague de constructions scolaires accompagna cette période de l’après seconde guerre mondiale, avec la construction, en 1964, du Collège d’Enseignement Secondaire Saint-Exupéry.