Définition et histoire
du droit local
Par Jean-Claude Schwendemann
Publié le 1er octobre 2010
Définition du droit local
La rentrée du Parlement
Photo anonyme, 1911?
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 670983)
Le droit local, comme son nom l’indique,
est un droit applicable localement,
dans le cas présent dans les deux départements
alsaciens et celui de la Moselle.
La mise en place et l’application de
ces dispositions s’expliquent par l’histoire
d’une Alsace (et de la Moselle) qui a appartenu
tour à tour à l’État français (avant
1870), à l’empire allemand (de 1871 à
1918) et à nouveau à l’État français, depuis 1918.
Ce droit local, composite, est donc un
ensemble de textes en vigueur au moment
de l’armistice de 1918 (des dispositions
du droit français antérieures à 1871 comme le Concordat, des dispositions du droit allemand spécifiques
aux territoires annexés entre 1871 et 1918, certaines dispositions du droit allemand valables pour
tout l’empire à la même période) et des dispositions de la loi française après 1918.
Le droit local, créé officiellement en 1919, s’applique à de nombreux domaines. Citons-en quelques-uns :
les associations, les cultes, la chasse, le droit du travail et la sécurité sociale, l’artisanat, le statut scolaire, le
repos du dimanche... Certaines de ces dispositions seront décrites de façon plus précise.
Un peu d’histoire...
La constitution du droit local est à relier aux événements qui ont marqué l’histoire de l’Alsace à partir de
1871. Retenons-en quelques dates :
Signature du concordat de 1801
Grav. Renaud, 1881
- En 1648, après les traités de Westphalie, l’Alsace et les évêchés de Toul, Metz et Verdun sont
rattachés au royaume de France de Louis XIV.
- À partir de la fin du XVIIIe siècle, l’Alsace va vivre plus de deux siècles de Concordat et de laïcité.
- Si un décret de 1795 sépare l’Église de l’État, la Constitution de cette même année stipule que
nul ne peut être empêché d’exercer un culte qu’il a choisi.
- En 1801, la signature du Concordat entre Napoléon Bonaparte et Pie VII abolit la loi de 1795 et
reconnaît le catholicisme comme religion de la grande majorité des citoyens français. La
même année, les lois organiques du 18 germinal an X règlent l’exercice du culte et s’appliquent,
en plus de la religion catholique, aux religions protestantes, tant luthérienne et réformée.
- En 1831, l’État prend aussi en charge le traitement des ministres du culte israélite.
- En 1835 (monarchie de Juillet), la loi Guizot légalise les écoles privées qui, avec les écoles
publiques, assurent l’instruction primaire.
- En 1850, la loi Falloux introduit la liberté d’enseignement primaire et secondaire, autorisant
aussi les congrégations religieuses à enseigner durant tout le Second Empire (jusqu’en 1870).
- En 1871, après la guerre entre la France de Napoléon III et le royaume de Prusse et
la défaite de la France, l’Alsace est cédée à l’Allemagne par le traité de Francfort.
- Entre 1871 et 1918, les dispositions d’empire allemandes sont applicables à l’ensemble de
l’empire et donc à l’Alsace (par exemple, la législation de 1908 sur les associations). Par contre,
pendant cette longue période, l’Alsace ne connaît ni les lois laïques, en particulier les lois de
Jules Ferry (1879-1882) qui rendent l’école publique, gratuite et laïque, ni la loi de séparation
des Églises et de l’État et la fin du Concordat napoléonien en 1905. De ce fait, les quatre cultes -catholique, luthérien, réformé et israélite- continuent de bénéficier en Alsace et en Moselle d’un
statut officiel : ministres du culte rémunérés par l’État, évêques de Strasbourg et Metz nommés
par le chef de l’État sur proposition du Saint-Siège, enseignement obligatoire des religions reconnues
à l’école...). Pendant cette période, on applique donc en Alsace :
- le droit français maintenu en vigueur sauf exception,
- le nouveau droit fédéral allemand,
- les lois provinciales allemandes applicables seulement en Alsace et en Moselle.
- Après la première guerre mondiale et le retour à la France, l’Alsace et la Moselle sont soumises à la législation française, mais aussi à des dispositions applicables à leurs seuls départements. Malgré
plusieurs contestations, en 1924 par le cartel des Gauches particulièrement, et en raison de
l’attachement des Alsaciens et des Mosellans à leur statut particulier, et de la supériorité du droit
local au droit français équivalent -cultes, chasse, protection
sociale, droit du travail, repos dominical, association...- les
principales dispositions héritées du Concordat et des lois
allemandes ont été maintenues et font partie depuis 1919,
avec d’autres lois françaises, du droit local.