Projet d’étude des génocides du 20e siècle au collège Saint-Exupéry

Pendant la semaine expérimentale qui a eu lieu du 13 au 17 avril dernier, les élèves de 3ème du collège Saint-Exupéry ont travaillé sur les trois génocides du Vingtième siècle. Ces sujets dits sensibles sont au cœur du programme de collège et la compréhension des mécanismes qui les ont engendrés est indispensable dans la formation d’un futur citoyen. Ce sont donc des thématiques qui se prêtent parfaitement à l’innovation pédagogique.

C’est ainsi qu’un groupe d’adultes encadrant composé d’un professeur de français, d’un professeur d’EPS et d’un professeur d’histoire-géographie, accompagnés de deux assistantes d’éducation, ont mené le projet sur la semaine, durant quatre après-midis de trois heures. Les objectifs étaient d’approfondir les connaissances vues préalablement en cours, de permettre aux élèves de réinvestir, voire de réviser leurs leçons, et de les approfondir par la recherche personnelle et le contact avec des témoins directs qui ont vécu certains des évènements dont il a été question en cours. Le génocide des Tutsi perpétré en 1994 au Rwanda a constitué le fil conducteur de la semaine. A partir de cet épisode de l’Histoire, les élèves ont été invités à retrouver les caractéristiques des deux autres génocides étudiés pendant leur année de troisième : celui des Arméniens et la Shoah.

Au niveau méthodologique, outre le fait que les emplois du temps des élèves ont été transformés, les adultes encadrant ont appliqué le principe de la tâche complexe : en début de semaine, l’objectif final est annoncé aux élèves : il s’agira de rédiger pour la fin de semaine des slams, poèmes mis en musique, sur les trois génocides. L’ensemble de ces productions sera enregistré et pressé sur un CD tiré à 500 exemplaires et commercialisé. Les compétences évaluées sont également dès le début présentées aux élèves, ainsi que le curseur d’évaluation qui permettra aux adultes encadrant de positionner les élèves et valider ainsi les compétences du LPC.

L’organisation des séances a également été transformée puisque les élèves ne sont plus pris en charge en groupe classe, mais le groupe de 44 élèves qui a participé à ce travail était constitué par un regroupement d’élèves des quatre classes de troisième, selon leur souhait et leurs besoins. Pendant cette semaine, les adultes accompagnateurs ont pris en charge les élèves en alternant les moments en plénière (44 élèves), en demi-groupes (22 élèves) ou en très petits groupes (de 3 à 10 élèves), en fonction des objectifs plus précis en cours de projet. Les lieux de prise en charge ont aussi été bouleversés car les élèves ont travaillé dans les lieux qu’ils jugeaient eux-mêmes plus appropriés à leurs besoins : grande salle de permanence, plus petites salles de cours, salle informatique, CDI, couloirs…

Le premier jour de la semaine, après leur avoir exposé les objectifs globaux du travail, les élèves ont été mis en contact avec l’histoire du Rwanda depuis les origines jusqu’à la fatale année 1994. Pour cela, deux intervenantes extérieures d’origine rwandaise sont intervenues. Accompagnées par le professeur d’histoire-géographie, elles ont dans un premier temps retracé l’organisation politique, sociale et culturelle du Rwanda avant l’arrivée des colons européens.

Thérèse Rosenberger expose l’histoire du Rwanda devant une assemblée de 44 élèves.

Thérèse Rosenberger expose l’histoire du Rwanda devant une assemblée de 44 élèves.

Puis un travail a été fait sur la colonisation et la décolonisation. Les élèves ont pu découvrir la naissance et la montée du racisme qui a mené à plusieurs périodes de violence au Rwanda. L’une des intervenantes, Thérèse Rosenberger, a expliqué comment elle a du fuir le Rwanda dans les années 1970 pour éviter ces violences après avoir frôlé la mort. La dernière heure de cette première journée fut consacrée à un travail d’histoire des arts. Amina Furaha, seconde intervenante, artiste peintre, a fait parler les élèves sur les toiles qu’elle a produites sur le Rwanda. Ces toiles constituent des objets d’étude pour l’oral d’histoire des arts que les élèves pourront choisir pour l’examen final.

L’objectif de la seconde journée a été de faire rédiger les poèmes par les élèves. Ceux-ci répartis en 13 trios ont tiré au sort un dossier dans lequel se trouvaient une photographie sur l’un des trois génocides ainsi qu’une contrainte d’écriture. A partir de ces deux documents, les élèves ont planché sur la rédaction de leur texte. Un quatorzième groupe s’est chargé de tout ce qui concerne la logistique du projet : constitution de la pochette du disque, du livret intérieur, de la mise en page des futurs titres, des explications à apporter sur chacun des poèmes…

Les élèves rédigent leur slam en petits groupes à partir d’une photographie et d’une contrainte d’écriture.

Les élèves rédigent leur slam en petits groupes à partir d’une photographie et d’une contrainte d’écriture.

Une fois le poème écrit, les élèves découvrent le morceau de musique sur lequel ils vont scander leur poème. Ces courts extraits de musique classique ont été au préalable choisis par les assistantes d’éducation qui ont participé au projet. Les élèves peuvent ainsi ajuster leur texte et s’entrainer à le dire sur la musique.

La prise de son dirigée par Nicolas Orlic de Canopé.

La prise de son dirigée par Nicolas Orlic de Canopé.

Lors du troisième jour, un technicien preneur de son de CANOPE installe son matériel dans une salle du collège devenue studio d’enregistrement. Une première session d’enregistrement est réalisée dans la première moitié de l’après-midi avec la moitié du groupe. L’autre moitié est prise en charge par le professeur d’histoire-géographie qui fait un travail d’analyse sur des documents de photoreporters qui ont fait état du génocide des Tutsi en 1994. Pendant la seconde moitié de l’après-midi, ce groupe enregistre, pendant que le premier groupe fait le travail sur le photoreportage.

La dernière journée de la semaine a été consacrée uniquement à l’année 1994 et au génocide des Tutsi. Pour commencer l’après-midi, une conférence en plénière est assurée par une enseignante chercheuse au CNRS : Hélène Dumas qui a consacré sa thèse au sujet. Après un exposé d’une heure, un moment est laissé aux échanges et questions. Puis les élèves découvrent que Amina Furaha, l’artiste peintre qu’ils ont vue le premier jour, est rescapée du génocide. Celle-ci accepte de retracer son histoire pendant cette année 1994 et répond aux questions des élèves. Pour clore la semaine. Trois groupes d’élèves acceptent à la demande de leurs professeurs de se produire en live : ils chantent leur slam devant toute l’assemblée. La journée se termine avec un gouter et un verre fournis par le collège.

Amina Furaha témoigne de ce qu’elle a vécu pendant le génocide au milieu de ses peintures.

Amina Furaha témoigne de ce qu’elle a vécu pendant le génocide au milieu de ses peintures.

Les effets de ce projet sont bénéfiques à plusieurs niveaux : le travail conséquent a été réalisé par les élèves sans qu’aucun d’entre eux ne le refusent. Les mécanismes des génocides ont été compris à en juger par les résultats au DNB blanc qui a été organisé la semaine suivant la semaine expérimentale (la question de l’écrit long d’histoire-géographie portait sur le sujet). La totalité des élèves a validé pendant cette semaine les compétences du LPC évaluée pendant la semaine. Le tout s’est fait dans un climat scolaire apaisé. Aucun incident, même mineur n’a été déploré, même pendant les phases de travail en grand groupe.

Le disque est en cours de production. Il sera commercialisé. Une partie des bénéfices du disque sera versée à une association d’aide aux victimes rescapées du génocide des Tutsi, l’autre partie servira à financer d’autres projets dans les années à venir.

Quelques productions d’élèves à écouter :

Groupe 08 (Paroles : Ereza, Donjeta et Florent / Voix : Ereza)

Groupe 11 (Paroles : Gulsum, Kimberly et Alex / Voix : Gulsum)

Texte de Romain Blandre, professeur d’histoire-géographie au collège Saint-Exupéry, accompagnateur REP+