entre
dans l’ancien quartier général du camp et prend
la papeterie disponible, avec de grosses lettres noires : Kommandantur
Konzentrationslager Auschwitz [Bureau du commandant du camp de
concentration d’Auschwitz] ; I.G. Farbenindustrie Aktiengesellschaft
[Société anonyme I.G. Farben] ; Der Oberpräsident
der Provinz Oberschlesien [Le chef supérieur de la province
de Haute-Silésie]. La typographie devient une partie intégrante
de la composition, et l’image de l’oppresseur nazi, que
Tolkatchev s’abstient de reproduire, se tient devant nous. Comme
si possédé par la folie, il dessine les croquis de ce
qu’il voit. Tout à côté des croquis, il ajoute
des lignes densément écrites avec le témoignage
du peu de survivants encore capables de prononcer des mots. Les jouxtant,
il écrivit à plusieurs reprises : « Pour se souvenir,
pour ne pas oublier. » Par l’utilisation des outils de fortune
que sont le crayon et le papier, Tolkatchev réussit dans la création
d’un art de portée monumentale. Le fait que les ordres
d’extermination aient été écrits sur ces
mêmes pièces de papier, juste quelques jours avant l’arrivée
de Tolkatchev, les dotent d’une puissance tragique qui fait frissonner.
À l’instar de ceux qui ont commencé leur oeuvre
artistique en tant qu’artistes enrôlés et monumentalistes,
tels Käthe Kollwitz en Allemagne dans les années 1920 et
1930, ou les Mexicains Diego Rivera et Jose Oroszco dans la même
période, il dépeint l’horreur suprême à
l’aide de dessins au crayon. Les outils de fortune d’une
part et la puissance d’expression éveilleant des émotions,
nous soufflent au visage “Les désastres de la guerre”
de l’artiste espagnol Francisco Goya.
« … Je ne pouvais m’arracher de ce morceau de terre
maudite laissée derrière et de l’abîme humain
épouvantable. Mon corps entier fut démoli avec le |
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L'aube (dessin, 1945)
Illustration tirée du site Internet www.yadvashem.org.
Dessin au crayon de Zinovii Tolkatchev. |