L’enfant créateur, titre de la scène I de l’opéra n’est pas anodin. Bien sûr, la scène se réfère à l’enfance de Berlioz mais pour les auteurs, la notion de création compte beaucoup de par la position militante qu’ils ont pu avoir dans leur parcours.
Yvonne Quinzii, librettiste, a été professeur de musique à l’École normale d’Avignon. Elle a également milité pour la création des CFMI (Centre de formation des musiciens intervenants) notamment celui de l’Université de Provence.
Le combat d’Annie Tasset, metteur en scène, est celui de la reconnaissance de l’art lyrique et de son enseignement dans les structures de formation.
Gérard Garcin au milieu des enfants.
Photo : F. Hauwelle | AgrandirPour ma part, en tant que pédagogue engagé, j’ai très tôt œuvré pour que la création rentre dans l’école de musique et cela loin des grandes plate-formes ou chapelles.
Pour les auteurs, cette scène pose le problème du "pourquoi de la création", et de la nécessité pour des enfants d’être acteur au sein d’un processus de création. Le concept de cette scène I est donc celui de la "création pour" c’est à dire, à mon sens, "avec" des enfants.

La formation du goût

Cette recherche a aussi eu comme finalité la formation du goût qui permet à l’enfant — futur adulte, futur public, futur praticien — d’adhérer ou de ne pas adhérer à une démarche artistique, à apprendre à éteindre le téléviseur lorsque celui-ci remplit l’espace de laideur et d’inutilité.
Les parents consciencieux s’évertuent à faire découvrir de nouvelles saveurs à leurs enfants pour éviter que ceux-ci ne consomment uniquement pâtes, frites, steak, soda, etc.
La formation à la création artistique n’a t-elle pas un rôle similaire à jouer ?

Cela suppose évidemment que toutes ces saveurs soient connues des pédagogues, car pour citer Yu Tang, philosophe : 

« Seul un artiste qui comprend les joies et les émotions d’un saumon franchissant un rapide a le droit de peindre un saumon, sinon qu’il le laisse tranquille. Car si précis que soit son dessin des écailles, des nageoires et des paupières, l’ensemble paraîtra mort. »

Courage civique et insertion sociale

Il y a plus de dix ans, lors de la création d’un de mes l’opéras Le thé à la menthe, Guy Erismann écrivait dans la revue Opéra International : 

« L’opéra pour enfants est en passe de devenir un genre à part entière, tout à fait spécifique, qui a le mérite de confronter les compositeurs qui ont le courage civique d’y consacrer leur temps et leur talent, à des exigences d’écriture susceptibles de remettre en cause certains aspects stérilisants du modernisme formel.
Mieux que quiconque frappé par l’âge, l’enfant est ouvert à l’imaginaire, au rêve, en un mot à la poésie, encore faut–il que le poète — ou le musicien — lui tende la main en même temps que le miroir de son âme ».

Les enfants sur scène avec Jacques Bona et Sophie Tschiember.
Photo : F. Hauwelle | AgrandirEn nous parlant de courage civique et de remise en cause, l’auteur de cet article posait bien la problématique qui a été celle de la création de la scène I qui trouve sa place dans un opéra de 2h45min ! Dans un tel contexte les enfants se retrouvent au côté d’une distribution professionnelle.

Le compositeur Edgard Varèse disait : 

« Il n’y a pas de musique moderne ou ancienne mais uniquement celle qui vit actuellement ».

Cela signifie que le créateur doit vivre avec son temps en réalisant sa propre intégration sociale.
La création avec les praticiens amateurs que sont les enfants procède bien de cette nécessaire insertion sociale.

Gérard Garcin
Compositeur