L'idée de paysage est construite sur des éléments que l'on peut connaître (la topographie, le climat, le milieu, etc.). Elle se manifeste surtout à partir d'éléments perceptifs non objectifs concernant le rapport que l'on entretient avec le monde, l'environnement, l'histoire individuelle, le groupe auquel on appartient.
Richard Long, A Walking and Running Circle, Maharashtra (Inde), 2003.
Denise HookerDes artistes utilisent de plus en plus la nature elle-même comme support. Lorsque Richard Long marche dans le désert, ce dernier est toile, le sable est pigment, son corps est pinceau. Tout désir d'illusionnisme a disparu. La ligne au crayon ne représente plus la route, l'artiste déplace des pierres, laisse des traces sur le sol qui forment autant de signes faisant "image" de lui, du monde dont il est issu. L'analogie disparaît pour laisser plus de place au réel. De représentation, on passe à présentation. Le paysage est instantané, car seule une photo en sera la trace.
Et nous aussi, en tant que pédagogues, nous devons encourager les enfants à rendre compte de leur "paysage", et non pas à nous renvoyer les nôtres, nos perspectives, nos mythes. Cette libération par rapport au territoire traditionnel de la peinture fait se rejoindre les disciplines de l'enseignement, favorisant un regard plus global sur le monde, où la mathématique rejoint la poétique et la topographie, la signalétique. Le cadre est ouvert comme le paysage est "ouvert" : « Le paysage se pense en moi et je suis sa conscience. » (Cézanne)
L'art, l'enfant et la nature
Conduire l’enfant à regarder autrement, à prendre conscience d’un "paysage" qui n’existe pas a priori – car « il faut lui donner une existence en fondant son espace et son temps » (Jacques Aumont, L’Œil interminable) –, c’est l’amener à une présence au monde, à la fertilité d’un regard et d’une posture où il pourra se construire des repères et puiser des ressources d’émotions nourrissantes.
Aménagement autour d'un arbre.
G. GuérinL’encourager à créer dans et avec la nature c’est lui permettre d’explorer le sensible dans une voie "non optique" au-delà d’aspects physiques et caractéristiques pour atteindre les domaines de l’invisible et des archétypes, là où s’élaborent la pensée et le sentiment d’appartenance à l’Humain.
L’agir dans une « nature naturante » et non plus « une nature naturée » (Paul Klee, De l'art moderne) devient source abondante de procédés plastiques, véritable répertoire de fonctions qui font revivre les processus inhérents à la nature : le mouvement, la croissance, la métamorphose.
Jouant dans le même geste à faire apparaître la nature des choses et les choses de la nature l’élève goûtera au désir et au plaisir de décliner ses "capacités imaginantes" dans un champ d’investigation aux multiples richesses dont il ne manquera d’appréhender ipso facto les fragilités. Engager avec nos élèves des pratiques artistiques dans et avec la nature, c’est enseigner au-delà des connaissances, une démarche d’interrogation, une ouverture des sens, de l’intelligence et de la sensibilité, une leçon de vie : c’est aider à la construction d’un être pensant, libre, créateur et citoyen.
Anne-Marie Parcelier
Conseillère pédagogique en Arts visuels
Bassin Sud Alsace
|