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Un bilan mitigé et douloureux

Par Jean-Marc Siegel

Publié le 18 juin 2012

La fenêtre se ferme…Revenir au début du texte

L’humanisme a indubitablement contribué à réformer les esprits, à enrichir la réflexion grâce à la disponibilité des textes qu’apporta l’imprimerie et les échanges que son usage intensif encouragea. Pour un temps, l’espoir d’édifier un monde plus juste et pacifique, s’appuyant sur le progrès, semblait à portée de main. C’est ce même élan qui généra la rédaction de l’Utopie de Thomas More, en Angleterre.

La Réforme et les révolutions intellectuelles qu’elle entraîna ne furent pas suivies d'une transformation radicale des sociétés comme l’avaient espéré de nombreux paysans. Les utopies religieuses, politiques et sociales qui apparurent un peu partout en Europe rhénane dans le sillage de la première génération de réformateurs ne durèrent pas : les programmes paysans, les projets de théocraties comme à Münster en 1535, firent ainsi long feu…

À une plus grande échelle, le cadre géopolitique de l’Europe était lui-même bouleversé et durablement fragilisé. Le péril de l’invasion turque fit beaucoup pour durcir les points de vues : les Hongrois avaient été écrasés à Mohacs en 1526, et l’armée du Sultan s’était avancée jusqu’à Vienne en 1529. On croyait alors la chute de la Chrétienté imminente.

De plus, après l’issue sanglante de la guerre des paysans, la montée des extrémistes de tous bords et le durcissement de l’Église catholique qui commença à mettre en œuvre la Contre-Réforme, il devenait évident que les temps n’étaient plus à la modération.

Les décennies suivantes virent une fermeture progressive des fenêtres d’opportunités, l’une après l’autre, un raidissement très net des postures et des convictions: la violence des Hommes qui libéra au cours des guerres de religion en atteste.

Quant à Bucer, bien que très affecté par la nouvelle situation politique et religieuse issue de l’écrasement des paysans, il poursuivit le dialogue œcuménique avec Calvin durant les années 1530. Il resta à Strasbourg jusqu’à la fin des années quarante mais les compromis auxquels Strasbourg dut consentir vis-à-vis de l’empereur l'obligèrent à partir pour l’exil, cette fois définitif, en Angleterre.

Là, une dernière œuvre majeure lui permit de s’engager une fois encore dans l’édification d’une base spirituelle inédite, dans le contexte très troublé de l’émergence de l’anglicanisme sous les Tudors, The book of Common prayer.

Vers le renforcement des ÉtatsRevenir au début du texte

Les grand États, s'appuyant sur l’Église, les princes et les marchands, se renforcèrent et au premier chef la France, l’Espagne , la Suède… Les systèmes politiques et économiques en place, monarchies ou réseaux de villes et de principautés en terre allemande se maintinrent pour plusieurs siècles.

Les États avaient retiré du bouillonnement de la Renaissance une organisation plus rationnelle de leurs appareils et l’adoption de nouvelles technologies, notamment militaires, contribuèrent grandement à leur pérennité.

On le vérifie avec les ordonnances de Villers-Cotterêts (août 1539), qui s’appuient sur l’imprimerie désormais pleinement intégrée dans la vie politique, et qui constituent le support physique de l’affirmation de la langue nationale comme expression de la souveraineté.

Malgré les tensions religieuses désormais permanentes, et les conséquences durables des soulèvements paysans, l'Alsace et le pays de Bade vécurent une sorte d'âge d'or économique et intellectuel qui dura jusqu'à la guerre de Trente ans (1618-1648).

À l’instar des autres régions du Rhin supérieur, l'Alsace fut rattrapée - entre 1618 et 1648 - par la guerre et les exactions inouïes qu’elle entraîna, ainsi que par la logique propre aux grands États : l'Empire, l’Espagne, la Suède et le royaume de France au premier chef.

En lieu de Wimpfeling, d’Érasme et de Bucer, la guerre de Trente Ans mit sur le devant de la scène des conquérants et des constructeurs d’Etats, des Wallenstein, Gustave-Adolphe et Richelieu.