Par Jean-Marc Siegel
Publié le 18 juin 2012
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Beatus naquit en 1485 à Sélestat. L'environnement très stimulant de l'École latine, qui y attirait nombre de jeunes gens prometteurs, permit à Beatus d'entamer le cursus d'un jeune homme modeste mais brillant, se constituant une culture encyclopédique au fil de ses voyages de Sélestat à Paris, de Mayence à Bâle.
Beatus Rhenanus
Portrait anonyme, v. 1550
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 680249)
Il rencontra tout ce qui comptait alors dans l'Humanisme rhénan fourmillant et optimiste des premières années du XVIe siècle.
Beatus sut se constituer un réseau de correspondants et d'amis proprement exceptionnel, au premier rang desquel se trouvait Érasme de Rotterdam. L'attachement fut réciproque, et dura jusqu'à la mort.
Ex-libris de Beatus Rhenanus
Sigeberti Gemblancensis cenobitae Chronicon ab anno 381 ad 1113 [...] - Sigebertus Gemblacensis, Paris : Henri Estienne, 1513
Coll. Bibliothèque Humaniste de Sélestat (K 995)
Rerum Germanicarum libri tres
Beatus Rhenanus, Bâle : Jean Froben, 1531
Coll. Bibliothèque Humaniste de Sélestat (K 389_b)
Les troubles sociaux et religieux qui se développèrent à partir de 1523 et surtout 1525 dans le sud de l'Allemagne et en Alsace épouvantèrent Beatus. Il y voyait la menace du chaos, la fin de l'Ordre établi auquel il tenait par-dessus tout.
Beatus s'installa définitivement à Sélestat en 1528. C'est la recherche historique qui occupa le plus clair de son temps.
Il édita Pline, Tite-Live, l'historien romain d'Orient Procope. Les nombreuses rééditions de son Tacite témoignaient autant de sa grande réputation que de son souci de la vérité historique, l'amenant à remettre sa matière constamment à jour, à la compléter, la corriger.
En 1531, Beatus fit paraître son œuvre maîtresse, chez l'imprimeur Froben, à Bâle : L'Histoire de la Germanie (Rerum Germanicarum). On le retrouve historien, géographe, critique et analyste de Tacite.
Toute sa vie, Beatus fut tiraillé entre l'Église de son enfance, celle qui a structuré son monde, et celle à laquelle se rallièrent nombre de ses amis à la suite de Luther (Bucer, Zwingli, Sapidus...).
À l'instar de Jakob Wimpfeling, il ne s'engagea pas résolument dans un camp contre un autre, mais resta fidèle à un humanisme paisible, de plus en plus difficile à défendre au vu des événements qui se précipitaient à partir des années 1520.
En 1518, c'est par son ami Martin Bucer que Beatus découvre la Réforme. Durant une année, il parcourt la Suisse avec Zwingli où il contribue à diffuser les œuvres de Luther. Mais simultanément, il poursuit ses efforts pour promouvoir celles de son ami Erasme.
Outre ce dernier, Beatus entretenait une correspondance extrêmement riche avec tous les grands penseurs de l'époque, Jakob Wimpfeling, Martin Luther, Ulrich Zwingli, Philippe Mélanchthon, Thomas More...
Dernière ambiguïté, ou ultime manifestation d'une volonté d'unité et de concorde, Beatus meurt catholique à Strasbourg, mais assisté de son vieil ami Martin Bucer et de deux pasteurs luthériens.
Peu de jours avant sa mort, survenue le 13 juillet 1547, Beatus Rhenanus légua à sa ville natale tous ses livres (670 volumes), une des plus riches et des plus belles collections de l'époque. Cet apport constitue le cœur de la Bibliothèque humaniste de Sélestat, telle qu'on la connaît aujourd'hui.
Il s'agissait d'une collection considérable pour l'époque, d'autant plus que beaucoup de ces volumes sont des recueils contenant jusqu'à quinze œuvres différentes.
Collection unique aussi, car les magnifiques bibliothèques des autres grands humanistes ont toutes été dispersées...